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UNE NOUVELLE DÉFINITION JURISPRUDENTIELLE DE LA « DILIGENCE INTERRUPTIVE » DU DÉLAI DE PÉREMPTION D’INSTANCE

UNE NOUVELLE DÉFINITION JURISPRUDENTIELLE DE LA « DILIGENCE INTERRUPTIVE » DU DÉLAI DE PÉREMPTION D’INSTANCE

Auteur : Morgane KERMOYAN et Pascaline SERRA
Publié le : 14/05/2025 14 mai mai 05 2025



CASS 2E CIVILE, 27 MARS 2025, N°22-15.464


Définie aux articles 386 à 393 du Code de procédure civile, la péremption d’instance est un incident de procédure qui éteint l’instance à la demande de l’une des parties au litige ou qui peut être relevée d’office par le juge.
Cet incident a ainsi pour objet et pour effet de sanctionner l’inaction des parties à l’instance[1].
Dès lors, la péremption d’instance entraîne le dessaisissement du juge qui ne peut plus statuer le litige[2].

Pour autant, il a été jugé que la péremption d’instance ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable en ce qu’elle poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que l’instance s’achève dans un délai raisonnable[3].

Par ailleurs, il est important de préciser que, si la péremption éteint l’instance, elle laisse subsister l’action conformément à l’article 389 du Code de procédure civile permettant ainsi au demandeur d’introduire une nouvelle instance. Il convient néanmoins de faire preuve de diligence dans la mesure où l’instance périmée est dépourvue de tout effet interruptif de prescription. Dès lors, la nouvelle procédure peut être initiée sous réserve que la prescription ne soit pas acquise.
*
Concrètement, l’instance est périmée lorsque les parties n’ont accompli aucune « diligence interruptive » de péremption pendant un délai de deux ans.
Ce délai court à compter de la saisine de la juridiction et se trouve interrompu chaque fois qu’une partie accomplit une diligence.

Puisque le délai de péremption peut être interrompu par l’accomplissement d’une « diligence interruptive », se pose donc la question de savoir ce qui constitue une telle diligence.

C’est justement sur cette notion que la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer dans une récente décision du 27 mars 2025.

En l’espèce, l’affaire concernait une instance initiée le 22 octobre 2014 relative à l’exécution d’un bail conclu entre une société et une association.

Le 9 octobre 2019, le Juge de la mise en état a ordonné la radiation de la procédure du rôle du tribunal.
Le Conseil de l’association a alors sollicité la réinscription de l’affaire par une lettre du 1er juin 2020 aux termes duquel il indiquait que les pourparlers n’avaient pas abouti et que la procédure judiciaire pouvait donc reprendre son cours.

En réponse, le Conseil de la société en litige a alors soulevé la péremption de l’instance et a sollicité de voir constater l’extinction de l’instance.

Le 9 juillet 2021, le Juge de la mise en état a débouté la société de ses demandes et a donc réinscrit l’affaire au rôle sur la base du courrier du 1er juin 2020.

La société a relevé appel de l’ordonnance du Juge de la mise en état.

La Cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 23 février 2022, infirmé l’ordonnance du Juge de la mise en état en considérant que l’instance était périmée.
Les juges d’appel ont indiqué que le courrier du 1er juin 2020 par lequel le Conseil de l’association avait demandé le rétablissement de l’affaire au rôle ne constituait pas une « diligence interruptive de péremption » faute d’avoir fait progresser l’affaire et, qu’en conséquence, l’instance s’était trouvée périmée le 3 juillet 2020.

L’association a alors formé un pourvoi en cassation en soutenant que constituait une « diligence interruptive » tout acte qui manifestait la volonté d’une partie de continuer l’instance.

Elle invoquait, en l’espèce, que le délai de péremption avait été interrompu par le courrier de son Conseil envoyé au juge pour l’informer de l’échec d’une procédure de médiation et lui demander de rétablir l’affaire au rôle et de convoquer les parties à une prochaine audience. Elle considérait, en effet, que ce courrier avait été réalisé pour que la procédure puisse reprendre et manifestait ainsi sa volonté de continuer l’instance.

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation a ainsi été amenée à se prononcer sur la définition même de la « diligence interruptive » du délai de péremption d’instance.
*
Dans sa décision du 27 mars 2025, la Cour de cassation casse et annule pour violation de la loi l’arrêt d’appel qui lui est soumis reprochant aux juges du fond de ne pas avoir appliqué la bonne définition de la « diligence interruptive » du délai de péremption.

Pour la Haute Cour, le courrier qui informait le juge de l’échec d’une procédure de médiation et lui demandait de rétablir l’affaire au rôle et de convoquer les parties à une prochaine audience pour que la procédure puisse reprendre, manifestait la volonté de l’association de continuer l’instance et constituait donc une « diligence interruptive » de péremption.

La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 2 du Code de procédure civile, les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent et qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

Elle ajoute que selon l’article 3 du Code de procédure civile, le juge veille au bon déroulement de l’instance et a le pouvoir d’impartir les délais et d’ordonner les mesures nécessaires.

Elle rappelle, enfin, que l’article 386 du Code de procédure civile prévoit la péremption de l’instance lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

Au visa de ces trois textes, la Cour de cassation juge qu’il appartient aux parties, sauf lorsque la direction de l’instance leur échappe, d’accomplir les actes sous les charges qui leur incombent pour éviter la péremption de l’instance laquelle sanctionne l’inertie des parties dans la conduite du procès. Dès lors, le juge saisi d’un incident de péremption doit rechercher si la péremption est acquise ou non au regard des diligences accomplies par les parties.

Dans ce cadre, la Cour de cassation a analysé sa jurisprudence quant à la notion de « diligence interruptive » du délai de péremption. Elle y souligne l’imprévisibilité de la qualification de « diligence interruptive » de péremption en citant sa propre jurisprudence : pour qu’une diligence soit interruptive, elle doit continuer l’instance ou la poursuivre[4] ou faire avancer ou progresser l’instance ou lui donner une impulsion[5] tout en manifestant la volonté des parties[6].

La Cour de cassation soulève donc que cette disparité commande de clarifier la jurisprudence en redéfinissant les critères de la « diligence interruptive » de péremption, dans l’objectif de prévisibilité de la norme et de sécurité juridique.

Elle pose alors une définition claire de la « diligence interruptive » du délai de péremption laquelle s’entend désormais de l’initiative d’une partie, manifestant sa volonté de parvenir à a résolution du litige, prise utilement dans le cours de l’instance, tout en précisant que ces trois conditions cumulatives, dépendent de la nature de l’affaire et des circonstances de fait, et sont appréciées souverainement par le juge du fond.

Appliquée au cas présent, les juges d’appel n’ayant pas caractérisé l’absence de « diligence interruptive » de péremption avant de constater la péremption et l’extinction de l’instance, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 23 février 2022 par la Cour d’appel de Paris en toutes ses dispositions.

Fort de son expertise, le Cabinet Pivoine Avocats vous conseille et vous accompagne dans vos procédures judiciaires.

Pour plus d’informations ou pour prendre rendez-vous, contactez-nous.

[1] Cass. Com., 9 novembre 2004, n°01-16.726
[2] Cass. 2e civile, 9 juin 2022, n°19-26.209
[3] Cass. 2e civile, 16 décembre 2016, n°15-27.917 ; Cass. 2e civile, 18 octobre 2018, n°17-22.757
[4] Cass. 2e civile, 17 mars 1982, n°79-12.686 ; Cass. 2e civile, 11 septembre 2003, n°01-12.331
[5] Cass. 2e civile, 8 octobre 1997, n°95-18.332 ; Cass. 2e civile, 8 novembre 2001, n°99-20.159 ; Cass. 2e civile, 2 juin 2016, n°15-17.354
[6] Cass. 2e civile, 11 septembre 2003, n°01-12.331

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