L’exception d’inexécution du preneur à bail commercial : Cass. 3e civile, 18 septembre 2025, n°23-24.005
                            Publié le : 
                            23/10/2025
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                                                Selon l’article 1219 du Code civil, « une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».
L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a consacré un article spécifique à la question de l’exception d’inexécution au sein des contrats synallagmatiques. L’article 1219 du Code civil stipule qu’une telle exception peut être soulevée lorsque le cocontractant n’exécute pas son obligation et si cette inexécution est suffisamment grave.[1]
Véritable moyen de pression, l’exception d’inexécution « permet à une partie à un contrat synallagmatique de refuser d’exécuter son obligation tant qu’elle n’a pas reçu la prestation due en vertu de la convention. »[2]
En matière de bail commercial, l’exception d’inexécution peut être invoquée par le preneur en raison des manquements du bailleur à ses obligations, et notamment, lorsque les locaux loués deviennent impropres à l’usage auquel ils sont destinés[3].
En effet, conformément aux articles 1719 et 1720 du Code civil, le bailleur est tenu de mettre à disposition du preneur la chose louée, de l’entretenir conformément à l’usage prévu au sein du contrat de bail et d’en assurer la jouissance paisible au preneur.
Dans une récente décision du 18 septembre 2025, la Cour de cassation a précisé les conditions dans lesquelles le preneur pouvait opposer au bailleur l’exception d’inexécution.
En l’espèce, la société bailleresse a donné à bail un local à usage commercial pour une durée de 23 mois. Un pas de porte était stipulé en cas de poursuite du bail au-delà de ce terme.
A l’issue du bail, le preneur est demeuré dans les lieux sans signature d’un nouveau contrat ni versement de l’indemnité contractuellement prévue.
La société bailleresse a alors assigné le preneur en résiliation du bail et expulsion pour défaut de paiement des loyers ainsi qu’en paiement des loyers échus jusqu’au prononcé de la résiliation.
En cours d’instance, le preneur a quitté les locaux et opposé une exception d’inexécution à la demande en paiement des loyers avant de former, à titre reconventionnel, une demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance.
En effet, le preneur avait subi des infiltrations au sein du local et reprochait au bailleur son manquement à l’obligation de délivrance conforme, d’entretien et de jouissance paisible, ce faisant, il s’estimait bien fondé à se prévaloir d’une exception d’inexécution au paiement des loyers.
Il sollicitait également des dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel causé par les infiltrations d’eau affectant l’exploitation du local loué.
La Cour d’appel de Fort-de-France a rejeté la demande de dommages-intérêts formulée par le preneur et l’a condamné à payer à la bailleresse les loyers.
La Cour d’appel a notamment reproché au preneur de ne pas avoir préalablement mis en demeure le bailleur d’exécuter les travaux nécessaires.
Surtout, la Cour d’appel a condamné le preneur au paiement des loyers alors qu’il se prévalait de l’exception d’inexécution.
Faisant droit au pourvoi initié par le preneur, la Cour de cassation considère que l’exception d’inexécution peut être invoquée sans mise en demeure préalable.
La troisième Chambre civile a ainsi cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel qui, en exigeant une mise en demeure, a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas.
La Cour de cassation a, à cette occasion, rappelé que le bailleur est tenu, par la nature du contrat de bail et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Surtout, pour la Cour de cassation, le preneur peut se prévaloir d’une exception d’inexécution en raison du manquement du bailleur à ses obligations pour ainsi refuser d’exécuter son obligation de paiement à compter du jour où les locaux sont devenus impropres à l’usage auquel ils étaient destinés, et ce, sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable.
Une telle solution avait déjà été retenue par la Haute Cour : « celui qui oppose l’exception non adimpleti contractus n’est pas tenu à une mise en demeure préalable ».[4]
En conséquence, le preneur peut opposer l’exécution d’inexécution sans préalablement mettre en demeure le bailleur de satisfaire à ses obligations. Le preneur reste néanmoins tenu de démontrer une inexécution suffisamment grave imputable au bailleur.
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Historique
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                        L’exception d’inexécution du preneur à bail commercial : Cass. 3e civile, 18 septembre 2025, n°23-24.005
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