
QUEL REGIME DE RESPONSABILITE APPLICABLE AUX BANQUES EN CAS DE FRAUDE AU RIB ?
Publié le :
20/03/2025
20
mars
mars
03
2025
Cass. Com., 15 janvier 2025, n°23-15.437
La responsabilité contractuelle de droit commun telle qu’issue de l’article 1231-1 du Code civil n’est pas applicable en présence d’un régime spécial de responsabilité.
Telle est la solution posée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans une récente décision rendue le 15 janvier 2025.
En l’espèce, pour financer l’acquisition d’un véhicule, deux époux ont effectué un virement bancaire le 14 août 2019.
Pour ce faire, ils ont communiqué par voie électronique à leur banque, l’identifiant unique (IBAN) fourni par le vendeur.
Mais quelques jours plus tard, le vendeur n'ayant toujours pas réceptionné les fonds, les époux ont constaté qu’un tiers avait piraté leur messagerie électronique pour substituer son identifiant unique à celui du vendeur pour ainsi récupérer le prix de la vente.
Le 11 septembre 2020, les époux ont assigné la banque en restitution des fonds détournés et en paiement des dommages et intérêts en considérant que la responsabilité de la banque devait être engagée.
Dans un arrêt du 9 mars 2023, la Cour d’appel de Nîmes a fait droit aux prétentions du couple en reconnaissant la banque responsable pour manquement à son obligation générale de vigilance considérant qu’elle aurait dû contrôler l’absence d’anomalie apparente au moment de la réalisation du virement bancaire.
Notamment, la Cour d’appel a constaté que la banque avait exécuté le virement à partir d’un identifiant unique figurant dans un simple courriel alors que celui-ci ne mentionnait ni l’adresse du bénéficiaire ni celle de sa banque. Le courriel transmettant l’IBAN présentait donc, selon la Cour d’appel, des anomalies apparentes que n’avait pas relevé la banque.
Les Juges d’appel ont ainsi condamné la banque au remboursement partiel des sommes sur le fondement de la responsabilité de droit commun en considérant qu’elle avait manqué à son obligation de vigilance.
La banque a alors formé un pourvoi en cassation en soutenant que la responsabilité des prestataires de services de paiement ne pouvait être engagée que sur le fondement de l’article L. 133-21 du Code monétaire et financier, sans recours possible à un autre régime de responsabilité qui serait fondé sur une obligation générale de vigilance.
Sur ce point, l’article L.133-21 du Code monétaire et financier prévoit que si l’identifiant unique fourni par le client est inexact, la banque n’est pas responsable de la mauvaise exécution ou de la non-exécution de l’opération de paiement.
Dans sa décision du 15 janvier 2025, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel au motif qu’en matière d’opération de paiement non exécutée ou mal exécutée, seul le régime de responsabilité défini par l’article L. 133-21 du Code monétaire et financier est applicable.
Ainsi, la Cour de cassation rappelle que lorsque la responsabilité d'un prestataire de services de paiement est recherchée en raison d'une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée, la responsabilité contractuelle de droit commun tirée de l’article 1231-1 du Code civil doit être écartée en raison de l’exclusivité du régime de responsabilité prévu aux articles L.133-18 à L.133-24 du Code monétaire et financier.
Si cette solution se conforme avec la position retenue par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans une récente affaire[1], elle peut cependant paraître sévère pour le client victime qui se voit retirer son droit d’option entre les deux régimes de responsabilité mais également son droit d’appliquer cumulativement ces deux régimes.
D’autres dispositions révèlent également un régime de responsabilité plutôt strict pour le client victime.
A ce titre, conformément à l’article L.133-24 du Code monétaire et financier, lorsque le client victime n’a pas signalé la fraude dans le délai de treize mois suivant la date du débit, son action est frappée de forclusion à l’issue du délai de treize mois.
De plus, l’article L.133-19 IV du Code monétaire et financier prévoit que le client doit supporter la totalité de son préjudice lorsqu’il a commis une négligence grave à l’occasion d’une opération de paiement qu’il n’a pas autorisée.
Une telle négligence a pu être caractérisée par la réponse du client à un courriel présentant de sérieuses anomalies tenant tant à la forme qu’au contenu du message qu’il comportait.[2]
Néanmoins, imposer l’application du régime spécial issu du Code monétaire et financier, permet au client victime d’échapper à la preuve d’une négligence de la banque qui est exigée dans le cadre de la responsabilité contractuelle de droit commun.
En somme, en faisant avec cette nouvelle décision une stricte application de la règle specialia generalibus derogant, la Haute Juridiction vient rappeler le régime exclusivement applicable en matière de responsabilité des banques face à des clients victimes d’escroquerie.
Fort de son expertise, le Cabinet Pivoine Avocats vous conseille et vous accompagne dans vos actions judiciaires. Pour plus d’informations ou pour prendre rendez-vous, contactez-nous.
Historique
-
QUEL REGIME DE RESPONSABILITE APPLICABLE AUX BANQUES EN CAS DE FRAUDE AU RIB ?
Publié le : 20/03/2025 20 mars mars 03 2025BanqueCass. Com., 15 janvier 2025, n°23-15.437 La responsabilité contractuelle de droit commun telle qu’issue de l’article 1231-1 du Code civil n’est pas applicable en présence d’un régime spécial de responsabilité. Telle est la solution posée par la Chambre commerciale de la Cour de cassat...
-
Contrat de prêt et déchéance du terme : l’absence du jeu d’une clause jugée abusive
Publié le : 27/06/2024 27 juin juin 06 2024Recouvrement de créancesBanqueCass. 1ère civ., 29 mai 2024, n°23-12.904 La clause prévue au contrat offrant à la banque la possibilité d’exiger un remboursement immédiat des sommes restant dues au titre d’un prêt, sans préavis raisonnable ni formalité judiciaire particulière, est qualifiée d’abusive et ainsi non-écrite...
-
étendue du recours subrogatoire de la caution : l’irrecevabilité de l’action en responsabilité contractuelle contre un créancier fautif.
Publié le : 19/06/2023 19 juin juin 06 2023BanqueAssurancePar un arrêt du 15 mars 20231 , la Cour de cassation s’est prononcée sur la possibilité pour une caution d’engager une action en responsabilité à l’encontre de son créancier fautif dans le cadre de l’exercice de son recours subrogatoire. Rappelons que ledit recours est rendu possible par...
-
L’aval d’un billet à ordre est-il soumis à l’obligation précontractuelle d’information incombant à l’établissement bancaire ?
Publié le : 04/05/2023 04 mai mai 05 2023Contentieux des affairesBanquePar un arrêt du 5 avril 20231 publié au Bulletin, la Cour de cassation vient apporter quelques précisions utiles sur le régime applicable à l’aval d’un billet à ordre et la question de l’existence d’un devoir d’information de la banque envers l’avaliste. Rappelons préalablement les contou...
-
Précisions importantes sur l’application de la clause d’exigibilité anticipée des sommes dues en l’absence de mise en demeure de l’emprunteur.
Publié le : 15/02/2023 15 février févr. 02 2023BanquePar un récent arrêt du 11 janvier 2023 publié au Bulletin mais également aux Lettres de chambre, la Cour de cassation vient d’apporter d’utiles précisions sur le régime de la clause d’exigibilité anticipée des sommes dues au titre d'un prêt et sur son lien avec la mise en demeure de l’emprun...
-
Revirement jurisprudentiel : la caution peut désormais opposer la prescription biennale appartenant au débiteur principal
Publié le : 18/05/2022 18 mai mai 05 2022Responsabilité contractuelle - Conflits commerciauxBanquePar un important arrêt du 20 avril 2022 , la Cour de cassation vient de rompre avec sa jurisprudence antérieure concernant l’application, en matière de cautionnement, de la prescription biennale prévue par l'article L. 218-2 du Code de la consommation. Rappelons que par principe, l’artic...