
Une révolution dans l’obligation d’information précontractuelle : L’arrêt du 14 mai 2025 Cour de cassation, chambre commerciale, 14 mai 2025, n° 23-17.948, 23-18.049, 23-18.082
Publié le :
24/07/2025
24
juillet
juil.
07
2025
La Cour de cassation a rendu un arrêt, en date du 14 mai 2025, très loin d’être anodin !
Par le rejet de plusieurs pourvois, la Cour limite l’interprétation de l’article 1112-1 du Code civil relatif au devoir d’information précontractuel, utilisé en contentieux pour motiver :
- Une demande de nullité du contrat pour vice du consentement du fait d’un dol par réticence (omission d’une information déterminante au consentement de la partie qui s’est engagée) ; Et/ou
- Une demande indemnitaire liée au dol subi.
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CONTEXTE DE L’ARRÊT
Dans un arrêt rendu le 14 mai 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre un arrêt de la cour d’appel de Reims du 2 mai 2023.
Plus précisément, en septembre 2018, M.M cède à M.T l’intégralité des parts sociales d’une société de restauration rapide exploitée dans un local pris à bail.
Deux ans plus tard, M.T et la société assignent le cédant en indemnisation : ils reprochent à ce dernier de leur avoir dissimulé l’impossibilité d’exploiter pleinement l’activité, en particulier en raison de l’interdiction d’y faire de la friture, rendue impossible par l’absence d’un système adéquat d’extraction des fumées et les restrictions imposées par le règlement de copropriété.
Les preneurs contestent le prix payé, estimant cette restriction cachée par le vendeur.
La cour d’appel de Reims, saisie du litige, rejette la demande indemnitaire, estimant que M.T ne démontre pas que la faculté de faire de la friture constituait une condition déterminante de son consentement à la cession des parts sociales.
M.T forme alors plusieurs pourvois en cassation, articulés notamment autour d’une violation du devoir d’information précontractuelle, mais également d’une erreur sur la charge de la preuve.
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SOLUTION DE LA COUR
La Cour de cassation a rejeté les pourvois formés à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Reims. Selon elle :
« 6. Il résulte de l'article 1112-1 du code civil que le devoir d'information précontractuelle ne porte que sur les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre partie.
7. D'une part, les moyens, pris en leur première branche, qui postulent que le devoir d'information porte sur toute information ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, ne sont donc pas fondés.
8. D'autre part, en retenant qu'il n'était pas établi que la possibilité de faire de la friture était une condition déterminante pour le consentement de M. [T], la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche visée à la deuxième branche, que ses constatations rendaient inopérante, et a procédé à la recherche prétendument omise visée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision.
9. Par conséquent, les moyens, inopérants en leur quatrième branche, qui critiquent des motifs surabondants, ne sont pas fondés pour le surplus »
Par cette décision, la Cour vient signifier qu’une obligation d’information précontractuelle n’existe qu’à partir du moment ou :
- Une partie connait une information déterminante pour le consentement de l’autre partie, et cette information est en lien direct et nécessaire avec l’objet du contrat ou la qualité des parties ;
- L’autre partie ignore légitimement cette information, ou fait confiance à son cocontractant.
Autrement dit, comme le souligne la Cour : Le devoir d’information précontractuel ne porte pas sur toute « information ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties », encore faut-il que cette information soit déterminante pour le consentement de l’autre partie qui l’ignorait légitimement, ou qui avait confiance en son cocontractant.
En l’espèce, les juges du fond avaient souverainement estimé que l’interdiction de faire de la friture n’était pas un élément décisif pour le consentement de l’acheteur, malgré l’activité de restauration rapide de la société. Ce faisant, la cour d’appel n’était pas tenue de rechercher si d’autres restrictions ou obstacles à l’exploitation existaient, ces recherches étant rendues inopérantes par son appréciation souveraine du caractère non déterminant de cette information.
Enfin, la Cour de cassation écarte le moyen tiré d’une prétendue inversion de la charge de la preuve : en estimant que M.T ne rapportait pas la preuve d’une dissimulation fautive, la cour d’appel ne faisait que constater une carence probatoire du demandeur, ce qui est conforme à l’article 1353 du Code civil.
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UN ARRET CONFORME AU CODE CIVIL (?)
Plusieurs commentateurs ont soulevé que la lecture de l’article 1112-1 du Code civil, faite par l’auteur des pourvois, semble plus proche de la réalité du texte, que l’interprétation faite par la Cour.
En effet, l’article dispose à l’alinéa 1 et à l’alinéa 3 :
« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant (…)
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties »
Ainsi, une première lecture laisse entendre que toutes les informations en lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat, ou la qualité des parties, ont un caractère déterminant pour le consentement de l’autre partie, qui les ignore légitimement, ou qui fait confiance à son cocontractant.
Ce n’est pas l’interprétation pour laquelle la Cour a opté, ce qui a pour conséquence de limiter la portée de l’article 1112-1 du Code civil.
On peut simplement noter qu’effectivement cette interprétation reste proche de l’esprit du texte, et qu’elle limite une interprétation trop extensive. Ainsi, il ne suffit pas de pointer une discordance entre l’objet du contrat et la situation réelle : encore faut-il prouver que l’information omise ou dissimulée, si elle avait été connue, aurait empêché la conclusion du contrat, ou aurait conduit à un contrat conclu à des conditions différentes.
Par conséquent, la partie invoquant un manquement au devoir d’information doit établir le caractère déterminant de l’information non révélée pour espérer obtenir gain de cause.
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CONCLUSION
Au-delà de ce cas précis, cette décision semble illustrer l’importance, pour les parties à une cession, de bien anticiper les contraintes juridiques et matérielles liées à l’exploitation d’un fonds ou à l’objet social d’une société.
Elle rappelle que l’information transmise lors des négociations doit être suffisamment claire et complète pour éviter tout malentendu sur les conditions réelles d’exploitation.
Ceci peut être vu comme un rappel utile de la nécessité d’un accompagnement rigoureux en amont de la signature, afin de sécuriser les transactions et prévenir les contentieux. L’information précontractuelle n’est pas un champ libre à la contestation : elle obéit à des exigences précises qu’il est essentiel de bien maîtriser.
Fort de son expertise, le Cabinet PIVOINE AVOCATS vous conseille et vous accompagne. Pour plus d’information ou afin de prendre rendez-vous, contactez-nous !
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