
Résolution de la vente immobilière et perte de la qualité de propriétaire
Auteurs : Virginie Mauve, Maria Haned, Ghislaine Betton
Publié le :
04/10/2021
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2021
Effet de la résolution sur les actions en garantie décennale et en responsabilité civile
L’effet rétroactif de la résolution de la vente entraîne la perte de la qualité de propriétaire du bien. Par conséquent, l’acheteur n'est pas recevable à agir sur le fondement de la garantie décennale et ne subit pas de préjudice du fait de l'absence de souscription d'une assurance dommages-ouvrage.
C’est la solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt rendu par le 8 juillet 2021 (Cass. 3e civ., 8 juill. 2021, n° 20-15.669).
En l’espèce, une SCI a confié la construction d’une villa à une société de construction, puis l’a vendu à un particulier.
Des intempéries ont entraîné un glissement de terrain, affectant le talus sous l'immeuble et provoquant des fissures au bien. Après un premier arrêté de péril, un second arrêté a interdit l'accès à la propriété. Par la suite, une expertise judiciaire a révélé que les désordres étaient irréparables dans la mesure où la construction a été édifiée sur un remblai instable contenant des déchets non inertes évolutifs.
C’est dans ce contexte que l'acquéreur a, dans son assignation, formulé 3 demandes :
- La résolution judiciaire de la vente sur le fondement de l’action en garantie légale des vices cachés, prévue à l’article 1641 du Code civil,
- Une condamnation de la SCI venderesse et de son assureur sur le fondement de leur responsabilité civile décennale, prévue aux articles 1792 et suivants du Code civil, au titre des préjudices subis du fait des désordres décennaux affectant l'immeuble vendu,
- Une condamnation du gérant de la SCI sur le fondement de sa responsabilité civile, prévue à l’article 1850 du Code civil, du fait de l’absence de souscription de l’assurance dommages-ouvrage obligatoire.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence confirme le jugement de première instance et précise que dès lors que la demande en résolution de la vente pour vices cachés a été prononcée, l’acquéreur a perdu sa qualité de propriétaire du bien et n’est donc plus recevable à réclamer le bénéfice de la garantie décennale. De plus, elle affirme que même si l’omission par le gérant de la SCI de souscrire à une assurance dommages-ouvrage constitue une faute séparable de ses fonctions sociales, cette faute du fait de la résolution n’a causé aucun préjudice à l’acquéreur de sorte que sa responsabilité ne peut être retenue.
L’acquéreur a alors formé un pourvoi en cassation, estimant que la résolution de la vente n’empêchait pas son action en indemnisation contre l’assureur.
La Haute juridiction rejette le pourvoi. En effet, elle constate que la Cour d’appel qui « accueillant l'une des demandes principales de [l’acquéreur], a prononcé la résolution de la vente de l'immeuble sur le fondement de la garantie des vices cachés […] en a exactement déduit, sans modifier l'objet du litige, que [l’acquéreur] ayant, par l'effet rétroactif de la résolution de la vente, perdu sa qualité de propriétaire du bien, n'était pas recevable à agir sur le fondement de la garantie décennale ».
Elle énonce également que la juridiction d’appel a pu retenir à bon droit que la demanderesse « n'avait pas subi de préjudice du fait de l'absence de souscription d'une assurance dommages-ouvrage dès lors qu'elle poursuivait la résolution de la vente de l'immeuble ».
La solution est logique. Conformément à l’article 1792 du Code civil, la mise en œuvre de l’action en garantie décennale est ouverte au maître de l’ouvrage ou à l’acquéreur. Or, l’effet rétroactif de la résolution de la vente a pour conséquence de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient à la date de la conclusion du contrat. Ainsi, l’acheteur est réputé n’avoir jamais eu la qualité de propriétaire du bien et perd dès lors sa qualité à agir.
A travers cet arrêt, l’affirmation d’un droit d’option de l’acquéreur d’un bien immobilier entre l’action en résolution de la vente pour vice caché ou celle de la responsabilité décennale fondée sur l’article 1792 du Code civil, apparaît clairement. En ce sens, il n’est pas anodin que la Cour de cassation souligne que les juges du fond n’ont pas modifié l’objet du litige, ces derniers ont seulement statué sur les demandes présentées par les parties.
Par conséquent, il revient aux professionnels et praticiens d’être vigilants quant au choix du fondement de leurs actions en justice et sur la formulation de leurs chefs de demandes.
Fort de son expertise, le Cabinet PIVOINE vous accompagne dans l’ensemble de vos problématiques liées à vos acquisitions immobilières et vous conseille sur la stratégie la plus adaptée en cas de litige.
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