
Fraude fiscale : Quelques précisions quant à la limite du cumul des sanctions fiscales et pénales.
Auteurs : Claire Garcia, Bastien Girard
Publié le :
17/05/2023
17
mai
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05
2023
Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mars 2023, 19-81.929. Publié au bulletin
En l’espèce, l’administration fiscale, après un contrôle chez un expert-comptable, avait appliqué des majorations de 40 % du fait d’une minoration alléguée de ses déclarations de chiffres d’affaires et de TVA. Elle a ensuite déposé plainte au pénal pour des faits de fraude fiscale.
L’expert-comptable, déclaré coupable et condamné en première instance et en appel a contesté, devant la Cour de cassation le cumul entre la sanction fiscale, soit les 40 % de majorations, et la sanction pénale, soit les 18 mois d’emprisonnement. Il soutenait à l’appui de son pourvoi avoir été sanctionné deux fois pour les mêmes faits, ce qui est contraire au principe du non bis in idem, encore connu sous le nom du « principe de non-cumul ».
La Cour de cassation, dans une décision du 21 octobre 2020, avait renvoyé deux questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Il s’agissait de savoir si les règles françaises de non-cumul, telles qu’elles étaient interprétées par la jurisprudence, étaient conformes à la règlementation européenne.
Pour mémoire, le juge français a construit le principe de non-cumul, particulièrement en matière de fraude fiscale, par plusieurs décisions (Cons. const. 24 juin 2016, n° 2016-545 et 2016-546 QPC ; Crim. 11 sept. 2019, n° 18-81.040).
Il en ressortait que :
- Avant de rentrer en voie de condamnation, le juge pénal devait motiver en quoi la gravité des faits pouvait justifier la répression pénale complémentaire à une sanction fiscale. Cette gravité pouvait résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements du prévenu ou des circonstances de leur intervention ;
- Le juge devait s’assurer que le montant global des sanctions pénales et fiscales éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.
Toutefois, la CJUE avait remis en cause l’appréciation du cumul opérée par le juge français. En effet, pour apprécier le montant global des sanctions à ne pas dépasser, le juge français se restreignait à apprécier des sanctions de même nature, c’est-à-dire des sanctions pécuniaires. Dès lors, la peine d’emprisonnement n’était pas incluse dans l’appréciation du cumul. Le juge européen a donc rappelé que dans les cas du cumul d’une sanction pécuniaire et d’une peine privative de liberté, c’est l’ensemble des sanctions infligées qui doit faire l’objet du contrôle pour s’assurer qu’elles n’excèdent pas la gravité de l’infraction constatée.
Par son arrêt du 22 mars 2023, la Cour de cassation reprend à son compte l’analyse de la CJUE. Il appartient en conséquence au juge pénal, après avoir constaté le montant des pénalités fiscales appliquées, de vérifier que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. De plus, il doit s’assurer que la charge finale résultant de l’ensemble des sanctions prononcées, quelle que soit leur nature, ne soit pas excessive par rapport à la gravité de l’infraction commise par le prévenu.
Le juge est tenu de motiver sa décision au regard de ces éléments de gravité et de proportionnalité.
On peut saluer cette précision, car le prononcé d’une peine d’emprisonnement devra maintenant être justifié lorsqu’un prévenu a déjà fait l’objet de sanctions fiscales lourdes. Toutefois, la Cour de cassation se garde de donner les critères d’appréciation à utiliser. Nul doute qu’ils émaneront des décisions à venir et donneront lieu à de nombreux débats.
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