
Analyse de l’Arrêt Clamageran du 3 juillet 2024
Publié le :
05/12/2024
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décembre
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2024
La Cour de cassation, par un arrêt de sa chambre commerciale du 3 juillet 2024 (n° n° 21-14.947), a fait évoluer sa jurisprudence en matière de responsabilité des parties au contrat à l’égard des tiers, lesquels peuvent désormais se voir opposer « les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants. »
I. Rappel de la jurisprudence antérieure – Arrêt Bootshop
Le principe de l’effet relatif des contrats, essentiel en droit des contrats, précise qu’un contrat ne produit d’effets qu’entre les parties concernées par ledit contrat.Toutefois, ce principe a été nuancé par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation dans l’arrêt Bootshop de 2006 (réaffirmé par l’arrêt d’Assemblée Plénière « Bois Rouge » de 2020). La Cour y a jugé qu’un tiers à un contrat peut demander la réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle (ou délictuelle) en invoquant un manquement contractuel si ce manquement lui a causé un dommage.
Bien que cette décision ait renforcé les droits des tiers, elle a également placé dans une situation incertaine la partie contractante mise en cause. En effet, la jurisprudence Bootshop permettait au tiers d’engager la responsabilité d’une partie au contrat sans que celle-ci puisse invoquer les clauses limitatives de responsabilité potentiellement prévues par le contrat. Cet arrêt a suscité de nombreuses critiques puisqu’il avait pour conséquence de placer la partie au contrat dans une situation imprévisible face à un tiers à qui on ne peut opposer aucune clause limitative de responsabilité.
II. Évolution de la jurisprudence – Arrêt Clamageran
Avec son arrêt dit « Clamageran » du 3 juillet 2024 (n° 21-14.947), la chambre commerciale de la Cour de cassation a modifié son approche en répondant aux critiques. Désormais, un tiers invoquant un manquement contractuel sur le fondement de la responsabilité délictuelle peut se voir opposer les clauses limitatives de responsabilité prévues dans le contrat.Les juges ont fondé leur décision sur deux arguments principaux :
- L’économie générale du contrat : Les parties négocient les clauses de responsabilité en fonction des risques qu’elles souhaitent assumer au cours de la relation contractuelle. Les clauses limitatives jouent un rôle essentiel dans cette relation. L’arrêt Clamageran garantit donc que les parties à un contrat ne pourront pas voir leur responsabilité engagée pour un montant supérieur à celui fixé dans le contrat. Cela permet de garantir la stabilité de l’économie générale du contrat négocié par les parties.
- L’égalité entre le tiers et la partie contractante : Il est injustifié qu’un tiers bénéficie de droits plus favorables qu’un cocontractant direct. La situation précédente, issue de l’arrêt Bootshop, permettait au tiers d’agir contre une partie sans que celle-ci puisse invoquer les protections contractuelles, ce qui déséquilibrait les relations juridiques. L’arrêt Clamageran rétablit cet équilibre.
III. Perspectives futures
Cette décision marque probablement le début d’une jurisprudence de la Cour de cassation qui renforcera l’application des clauses contractuelles limitant les pouvoirs des tiers à engager la responsabilité des parties. La Cour pourrait à l’avenir reconnaître diverses conditions contractuelles comme des critères de prévisibilité spécifiques pour pouvoir engager la responsabilité de l’une des parties par exemple.Cette décision pourrait également encourager l’introduction dans les contrats de clauses dédiées à la limitation de la responsabilité envers les tiers, complétant ainsi les clauses classiques. Cela offrirait aux parties une meilleure maîtrise des risques, favorisant alors une stabilité économique des relations contractuelles.
L’équipe du cabinet Pivoine Avocats suit de près l’évolution de la jurisprudence et se tient à vos côtés pour vous accompagner et vous conseiller.
Historique
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