
Agent commercial : suite du feuilleton, rupture à l’initiative de l’agent pour faute du mandant
Auteur : Muriel Bourlioux et Ghislaine Betton
Publié le :
21/12/2022
21
décembre
déc.
12
2022
Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 novembre 2022, n°21-10126, Publié au Bulletin
Nous avons déjà eu l’occasion de rappeler à diverses reprises que les agents commerciaux bénéficient d’un statut extrêmement protecteur d’ordre public, qui prévoit, notamment, le paiement d’une indemnité compensatrice en réparation du préjudice qu’ils subissent en cas de rupture de la relation commerciale par leur mandant.
Cet automne, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts d’importance sur les conditions du droit à indemnisation de l’agent commercial.
Dans un article précédent, nous avons évoqué le revirement opéré par la Cour de cassation le 16 novembre 2022 (pourvoi n°21-17423), laquelle considère désormais que la faute grave de l’agent ne lui fait pas perdre son droit à indemnisation, si cette faute est découverte postérieurement à la résiliation du contrat par le mandant.
Au terme d’un second arrêt du 16 novembre 2022 (pourvoi n°21-10126), la Cour de cassation a poursuivi son œuvre de détermination des conditions d’octroi de l’indemnité de fin de contrat à l’agent commercial.
Elle a jugé que l’agent commercial conserve son droit à indemnisation, y compris lorsqu’il est à l’initiative de la cessation du contrat, si celle-ci est justifiée par le comportement fautif du mandant.
Surtout, la Cour a jugé que, dans ce cas, l’agent commercial ne se voit pas privé de l’indemnité de fin de contrat, quand bien même il serait également fautif.
La logique, derrière cette décision, est la même que celle ayant prévalu pour fonder l’arrêt de revirement précité (n°21-17423) : la résiliation du contrat n’étant pas causée par la faute grave de l’agent commercial, celui-ci conserve malgré tout son droit à percevoir une indemnité de fin de contrat.
En l’occurrence, la résiliation était à l’initiative de l’agent, qui reprochait à son mandant de ne pas lui avoir transmis les éléments nécessaires au calcul de ses commissions, et d’avoir, de surcroît, vendu ses produits directement sur un site de vente en ligne.
Au terme de ces deux arrêts, la Cour de cassation consolide encore davantage le statut ultra protecteur de l’agent commercial, dont seule la faute grave, constatée immédiatement par le mandant par écrit (et donc non tolérée pendant un certain temps), et fondant la résiliation du contrat, est privative de l’indemnité de fin de contrat.
La faute grave de l’agent, si elle n’est pas la cause de la résiliation par le mandant, ne suffit pas, à elle seule, à le priver de l’indemnisation prévue à l’article L. 134-12 du Code de commerce.
Ces décisions sont très sévères pour les mandants auxquels est imposé un devoir de vigilance accru.
On notera cependant que ces deux arrêts n’excluent pas la possibilité pour le mandant de demander réparation de son propre préjudice en raison de la faute commise par l’agent commercial.
En effet, la Cour de cassation a jugé, par un arrêt du 19 octobre 2022 (pourvoi n°21-20681), que la faute grave de l’agent commercial, peut être à la fois privative du droit à indemnité de fin de contrat (si soulevée dans les conditions très contraignantes rappelées ci-avant) et génératrice, pour le mandant, d’un droit à réparation du préjudice qu’il a subi du fait de cette même faute de son agent.
La faute grave commise par l’agent commercial peut donc quand même être plaidée, même a posteriori, pour minorer, par le jeu de la compensation, le montant de l’indemnité auquel ce dernier peut prétendre.
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