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MISE À DISPOSITION DU BAIL RURAL

MISE À DISPOSITION DU BAIL RURAL

Publié le : 21/04/2021 21 avril avr. 04 2021

ATTENTION AUX CESSIONS PROHIBÉES



Le bail rural est par nature incessible aux termes de l’article L 411-35 du Code Rural et de la Pêche Maritime (CRPM), il en résulte que ce contrat est imprégné d’un fort intuitu personae, qui a pour objet de protéger le bailleur qui choisit son preneur en fonction de ses aptitudes, et de sa solvabilité.

A l’inverse cette incessibilité ne favorise pas la cession de l’activité économique du preneur. Les cessions d’exploitation sont rendues plus difficiles, voire parfois empêchées, par l’intuitu personae du contrat.

Bien sûr il existe des exceptions visées à l’article L 411-35 du CRPM, qui autorise les cessions au profit du conjoint, du partenaire de pacs participant à l’exploitation, ou encore au profit des descendants ayant la majorité ou émancipés. Cependant, ces cas restent limitatifs.

En dehors de ces exceptions, il reste toutefois un tempérament à la règle de l’intuitu personae, à savoir la mise à disposition du bail rural à une société, prévue à l’article L 411-37 du CRPM, sous réserve des conditions suivantes : 
  • le preneur doit en aviser le bailleur au plus tard dans les 2 mois qui suivent la mise à disposition ; 
  • le preneur doit être associé de la société, qui doit avoir un objet principalement agricole ; 
  • la durée de la mise à disposition ne doit pas excéder celle pendant laquelle le preneur est titulaire du bail. 
La deuxième condition est particulièrement contraignante, et vise à empêcher toute cession déguisée du bail rural par l’intermédiaire d’une mise à disposition. Un arrêt récent l’illustre : Cass, civ 3, 21 janvier 2021, n°19-24.520

Dans cet arrêt, un bail rural a été consenti au profit d’un couple d’exploitants, pour une durée de 22 ans, à compter de l’année 1998. Au cours de ce bail, l’époux devient incapable d’exploiter personnellement les terres, et décède finalement le 18 avril 2018. L’épouse, désormais seule preneur, et exploitante des terres, décide de s’associer au sein d’une EARL, au profit de laquelle le bail rural est mis à disposition. 

Par suite, la nue-propriétaire, et l’usufruitière des terres, décident d’agir en résiliation du bail rural, ce qu’elles n’obtiennent pas en appel, car la Cour considère que l’épouse restée preneuse était bien associée de l’EARL. 

Un pourvoi est formé et, dans son arrêt, la Haute Juridiction décide d’abord de poser le principe suivant :

« Vu les articles L 411-31, L 411-35 et L 411-37 du Code rural et de la pêche maritime : 

6. Il résulte de ces textes que la faculté de mettre les biens loués à la disposition d’une société à objet principalement agricole impose, en cas de pluralité de preneur, que ceux-ci en soient tous associés, qu’à défaut, le preneur non associé manque à son obligation de se consacrer personnellement à la mise en valeur de ces biens et procède à une cession prohibée, la circonstance que l’autre preneur soit effectivement associé étant sans incidence du fait du caractère indivisible du bail rural
»

La Cour casse ensuite l’arrêt d’appel en considérant que : 

« la cessation complète d'activité du copreneur, qui n'avait jamais été associé de l'EARL, privait les bailleresses de la possibilité de poursuivre l'exécution des obligations nées du bail qu'il avait contractées, la cour d'appel a violé les textes susvisés »

Cette décision peut paraître logique, car la Cour estime depuis longtemps qu’il existe une cession prohibée du bail :
  • lorsque le preneur qui a mis à disposition le bail rural n’est pas associé de la société (Cass. 3ème  civ., 16 mai 2007, n°06-14.521) ; 
  • lorsque le preneur qui a mis à disposition le bail n’exploite pas effectivement les terres (pour une application récente : Cass. 3ème civ., 14 mars 2019, n°17-31.561).
Dans la présente décision, l’époux, copreneur, étant décédé, la Cour était forcée d’estimer que les conditions de la mise à disposition du bail rural n’étaient pas remplies.

Pour la Cour, très certainement que cette décision s’imposait afin d’empêcher tout dévoiement de la mise à disposition du bail rural, en faveur des cessions déguisées. 

On peut malgré tout s’étonner de cet arrêt car, pour rappel, la résiliation d’un bail rural pour non-respect des conditions de mise à disposition du contrat, à une société, est normalement subordonnée à la preuve d’un préjudice, à l’article L 411-31 II 3° du CRPM.

C’est d’ailleurs à ce titre que la jurisprudence était plus clémente à l’égard des copreneurs dans la mesure où, dès lors que l’un des deux avait la qualité d’associé et participait à l’exploitation des terres, la résiliation ne pouvait être encourue car le bailleur ne subissait aucun préjudice, chaque copreneur demeurant tenu des obligations nées du bail (Cass. 3ème civ., 5 mars 2003, n°01-15.453 ; Cass. 3ème civ., 12 septembre 2019, n°18-11.721).

Pourtant, la Cour, dans sa décision du 21 Janvier, ne fait pas mention de l’article L 411-31 II 3° du CRPM.

On aurait alors pu imaginer que l’arrêt était motivé par les circonstances de l’espèce, et qu’il resterait isolé. Mais, dans la même lignée, la Cour, dans un arrêt en date du 4 mars 2021 (Cass, civ 3, 4 mars 2021 n°20-14.121) est allée plus loin en estimant que le retrait de l’un des copreneurs d’une EARL, profitant d’une mise à disposition du bail rural, sans en informer le bailleur, permet à ce dernier de solliciter la résiliation du bail aux torts de tous les preneurs, sans avoir à prouver un quelconque préjudice

Compte tenu de cette tendance, les preneurs devront assimiler, en cas de mise à disposition du bail rural à une société, qu’en présence d’une pluralité de preneurs, chacun doit avoir la qualité d’associé, à défaut, le copreneur non-associé manque à son obligation de se consacrer personnellement à la mise en valeur de l’exploitation, de sorte que le bail rural doit être résilié de plein droit, sans que le bailleur n’ait à prouver un préjudice. 

Le bailleur peut, ainsi, simplement invoquer le fait que si l’un des copreneurs n’est pas associé de la structure bénéficiant de la mise à disposition, ces circonstances le prive de la possibilité de poursuivre l’exécution des obligations nées du bail qu’il avait contractées. 

L’attention des copreneurs doit également être portée sur la possibilité qui leur ait offerte lorsque l’un d’eux se retrouve contraint de quitter la société. 

L’article L411-35 du CRPM énonce, dans une telle situation, que le copreneur restant peut continuer à exploiter les terres seul s’il en demande au bailleur l’autorisation, par lettre recommandée avec avis de réception. 

La demande doit impérativement être envoyée dans les 3 mois à compter de la cessation d’exploitation et le bailleur ne peut s’opposer à une telle demande qu’en saisissant le Tribunal paritaire dans un délai de 2 mois. 

En tout état de cause, il convient d’appeler les personnes souhaitant souscrire à un bail rural à la plus grande vigilance et notamment sur les points suivants : 
  • toute cession du bail est interdite autre qu’au conjoint, au partenaire d’un pacs participant à l’exploitation et aux enfants majeurs ou mineurs émancipés ; 
  • la mise à disposition du bail à une société est possible à condition d’en aviser le bailleur, d’avoir la qualité d’associé de la société et de participer effectivement à l’exploitation des terres ; 
  • en présence d’une pluralité de preneurs, si l’un deux quitte la société et l’exploitation, l’autre doit impérativement demander au bailleur s’il peut continuer à exploiter les terres. 
En cas de manquement à ces principes, ou au formalisme encadrant chaque demande, la résiliation du bail est alors encourue.  

Le Cabinet Pivoine est bien sûr à vos côtés afin de vous accompagner dans l’exercice de votre bail rural, que ce soit pour vous conseiller sur vos droits et obligations, ou pour vous représenter dans le cadre d’un contentieux. 

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