
Responsabilité pour insuffisance d’actif : nécessaire antériorité au jugement d’ouverture de la procédure collective de la faute de gestion
Auteur : Julien Skeif et Ghislaine Betton
Publié le :
11/04/2023
11
avril
avr.
04
2023
Par un arrêt du 8 mars 2023 publié au Bulletin, la Cour de cassation vient de rappeler que l’action en responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif ne peut être mise en œuvre que pour des fautes antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.
À cette occasion, elle apporte quelques précisions bienvenues sur l’articulation entre la procédure de redressement judiciaire et celle de liquidation judiciaire qui s’en suit.
Rappelons préalablement que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le dirigeant qui, par sa faute de gestion, a contribué à ladite insuffisance peut être condamné à en supporter la charge en application de l’article L. 651-2 du Code de commerce.
Dans ce cadre, on sait qu’une jurisprudence constante exige que ladite faute soit commise antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.
On sait également que, dans le cas où la liquidation judiciaire est précédée d’un redressement judiciaire ayant donné lieu à un plan résolu par la suite, la faute de gestion commise dans le cadre du redressement peut être retenue puisqu’antérieure au prononcé de la liquidation .
En pareil cas, une faute de gestion commise pendant la période d’observation du redressement judiciaire ou l’exécution du plan peut donc parfaitement justifier la poursuite du dirigeant dès lors qu’elle est antérieure au jugement de liquidation judiciaire subséquent.
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, une société avait fait l’objet d’un redressement judiciaire le 13 juillet 2016, sans désignation d’un administrateur judiciaire.
Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 12 juillet 2017.
Dans ce cadre, le liquidateur judiciaire a assigné le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d’actif, estimant que ce dernier avait commis différentes fautes de gestion, notamment pendant la période d’observation.
N’ayant obtenu gain de cause ni en première instance ni en appel , le liquidateur a formé un pourvoi en cassation en faisant valoir que les fautes de gestion commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire peuvent être prises en considération pour fonder l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif dès lors qu'elles sont antérieures au jugement de liquidation judiciaire.
Ainsi, il semble manifeste que le demandeur au pourvoi espérait obtenir la cassation au regard de la jurisprudence précitée admettant la responsabilité du dirigeant pour des fautes de gestion commises avant l’ouverture de la liquidation judiciaire et durant le redressement.
À tort, puisque la haute juridiction a rejeté son pourvoi.
Dans un premier temps, la Cour rappelle bien le principe selon lequel « seules des fautes de gestion antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective peuvent être prises en compte pour l’application de l’article L.651-2 du Code de commerce ».
Par suite, elle précise que « lorsque la liquidation judiciaire d’un débiteur est prononcée, au cours ou à l’issue de la période d’observation d’un redressement judiciaire, le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire, n’ouvre pas une nouvelle procédure ».
En conséquence, la sanction du dirigeant ne peut être prononcée sur le fondement de l’article L. 651-2 du Code de commerce en raison de fautes commises pendant la période d’observation du redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire.
Que faut-il retenir de cette décision ?
Que pour envisager l’application du texte précité, il convient de faire une distinction importante :
- Soit la faute de gestion alléguée a été commise durant une procédure de redressement judiciaire ayant débouché sur l’adoption d’un plan : dans ce cas, ledit redressement et l’éventuelle procédure de liquidation ultérieure demeurent autonomes de sorte que la faute commise dans le cadre de la première est bien antérieure à l’ouverture de la seconde ;
- Soit cette faute a été commise pendant une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire : dans ce cas au contraire, la conversion ne donne pas lieu à une nouvelle procédure de sorte que le critère d’antériorité de la faute n’est pas satisfait.
On rappellera toutefois qu’en pareil cas, l’article L. 653-5 du même code permet de le sanctionner d’une faillite personnelle lorsqu’il n’a pas collaboré avec les organes de la procédure et qu’il peut encore, le cas échéant, faire l’objet de poursuite pour banqueroute sur le fondement de l’article L.654-2.
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