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Difficulté et enjeu de la qualification d’éditeur sur Internet

Difficulté et enjeu de la qualification d’éditeur sur Internet

Auteurs : Ghislaine Betton, et Alice Herole
Publié le : 04/11/2022 04 novembre nov. 11 2022



La diversité des plateformes sur Internet pose la question de la responsabilité des opérateurs qui les mettent en oeuvre, vis-à-vis du contenu ou des données stockées sur leur(s) site(s).

Cette responsabilité change en fonction de la qualification d’hébergeur ou d’éditeur de l’opérateur considéré.

L’hébergeur dispose d’une responsabilité limitée au contenu pour lequel le caractère illicite a été porté à sa connaissance. Ceci à la différence de l’éditeur qui est responsable de manière illimitée de tout contenu et/ou donnée illicite, identifié(e) sur son site Internet.

Cependant, il est à noter que la qualification, de l’une ou l’autre de ces qualités, nécessite une étude précise de l’activité de l’opérateur en cause, à savoir si celui-ci a un « rôle actif » de nature à lui confier une connaissance du contenu de son site ou un contrôle des données stockées par celui-ci.

Si ce dernier dispose d’un rôle actif, il sera alors qualifié d’éditeur. A défaut, il sera qualifié d’hébergeur.

C’est précisément sur cette problématique que la Cour de cassation est revenue dans son arrêt du 1er juin 2022 (Cass, com, 1er juin 2022 n°20-21.744).

1. Le contexte : La société Ticketbis, un intermédiaire en ligne de vendeurs et acheteurs de billets de matchs de l’équipe de France en France, en contravention avec le monopole de la Fédération Française de Football en la matière

En l’espèce, la Fédération Française de Football (FFF) est titulaire d’une délégation de service public pour organiser la pratique du football français. Elle dispose donc, à ce titre, d’un monopole pour la vente de billets de matchs de l’Equipe de France, en France.

La FFF s’est rendue compte qu’une société de droit espagnol, dénommée Ticketbis, mettait en relation sur son site Internet www.ticketbisfr.com des vendeurs et acheteurs de ce type de billets.

La FFF a mis en demeure la société Ticketbis de cesser la commercialisation de tickets concernant les matchs France/Bulgarie, puis les matches France/Suède et France/Côte d'Ivoire.

Par une lettre du 27 octobre 2016, la société Ticketbis a informé la FFF avoir retiré les événements concernés de son site.

Cependant, il a été constaté que la société Ticketbis continuait de proposer des billets sur son site pour les matchs France/Pays-Bas, et France/Luxembourg des 31 août et 3 septembre 2017, par procès-verbal d’huissier de justice du 15 juillet 2017.

II s’est aussi avéré que cette société continuait de vendre des billets pour le match France Biélorussie du 10 octobre 2017.

C’est pourquoi, la FFF a, le 27 septembre 2017, assigné la société Ticketbis en responsabilité, en qualité d’éditeur de site, afin que lui soient alloués des dommages-intérêts et que soient ordonnées différentes mesures.

2. La difficile qualification de Ticketbis entre qualité d’hébergeur et d’éditeur

A l’issue de la première instance, la Cour d’appel de Paris a jugé mal fondées les demandes de la Fédération.

Selon sa motivation, l’article 1240 du Code civil n’était pas applicable car la société Ticketbis devait être qualifiée d’hébergeur et bénéficier, à ce titre, du régime d’irresponsabilité - correspondant à cette qualité - pour le contenu de son site.

Les Juges ont justifié cette décision par le comportement de cette société qui, selon eux, était « purement technique, automatique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle des données qu’elle stocke ».

La FFF a formulé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel.
Par suite, la Cour de cassation a finalement cassé cette décision, au visa de l’article 6 I, 2° de la LCEN, par la considération suivante :

« En statuant ainsi, après avoir retenu que la société Ticketbis offrait sur son site internet un service d'intermédiation pour la transaction de titres, que le site offrait aux éventuels acquéreurs de billets la possibilité de faire des choix entre les différentes compétitions sportives programmées, qu'un commentaire sportif sur les matches à venir illustrait celles-ci, tels « dernière ligne droite avant la prochaine Coupe du Monde » ou « La France favorite face au Luxembourg », ces commentaires se concluant par la phrase « tous les matchs de qualification du Mondial 2018 sont à suivre en direct grâce à Ticketbis qui vous permet non seulement d'acheter mais de vendre vos billets de match de foot », et que la société Ticketbis sécurisait la transaction, ce dont il ressortait que cette société, par son assistance, consistant notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause et à promouvoir celles-ci, ce qui reposait sur sa connaissance ou son contrôle des données stockées, avait un rôle actif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article susvisé »

3. Une décision conforme aux fondements textuels, ainsi qu’à la ligne jurisprudentielle européenne et française

La décision rendue par la Cour de cassation le 1er juin dernier est :
  • une application de l’article 6 I 2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique dite «LCEN », introduit en droit français à la suite de la Directive européenne 2000/31/CE.
  • conforme à la jurisprudence actuelle de la CJUE, ainsi qu’à celle adoptée par les Juridictions nationales depuis plus de 10 ans.
Ainsi, pour mémoire l’article 6 I 2° de la LCEN dispose que :

« Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible »

Il s’agit de la définition de la responsabilité limitée de l’hébergeur.

Afin de bien définir l’activité d’hébergeur liée à cette responsabilité limitée, la CJUE a considéré dans une affaire du 23 mars 2010 qu’un hébergeur a une activité qui revêt « un caractère purement technique, automatique et passif » impliquant que ledit prestataire « n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées ».

Ainsi, lorsque – à l’inverse - l’opérateur d’un site Internet s’avère avoir un rôle actif dans le contrôle du contenu, et/ou des données stockées sur son site, celui-ci doit naturellement être qualifié d’éditeur et être responsable de manière illimité pour ces éléments.

C’est exactement ce qu’a considéré la CJUE, à propos d’Ebay, dans un arrêt du 12 juillet 2011 aux termes duquel elle a souligné que lorsqu'un site Internet « prête une assistance consistant notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci (...), il joue un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres » (CJUE, 12 juill. 2011, Gd .Ch., aff. C-324/09,RLDI 2011/74, no 2444).

La Cour de cassation, par trois arrêts du 3 mai 2012, a acté ce point en rejetant le pourvoi formulé à l’encontre de l’arrêt d’appel ayant qualifié le site ebay.fr d’éditeur. Le rejet du pourvoi a été motivé en ces termes :
  • « les sociétés eBay fournissent à l'ensemble des vendeurs des informations pour leur permettre d'optimiser leurs ventes et les assistent dans la définition et la description des objets mis en vente en leur proposant notamment de créer un espace personnalisé de mise en vente ou de bénéficier "d'assistants vendeurs" »
  • « les sociétés eBay envoient des messages spontanés à l'attention des acheteurs pour les inciter à acquérir et invitent l'enchérisseur qui n'a pu remporter une enchère à se reporter sur d'autres objets similaires sélectionnés par elles »
Pour les raisons sus énoncées, la Cour de cassation en a conclu que la Cour d’appel avait pu déduire que « les sociétés eBay n'avaient pas exercé une simple activité d'hébergement mais qu'elles avaient, indépendamment de toute option choisie par les vendeurs, joué un rôle actif de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qu'elles stockaient et à les priver du régime exonératoire de responsabilité prévu par l'article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 et l'article 14 §1 de la Directive 2000/31 »

Le Cabinet Pivoine est à vos côtés pour vous conseiller et vous assister dans le cadre de tout contentieux relatif à la qualification d’hébergeur ou d’éditeur, et à la responsabilité afférente.

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