Procédure civile : Le Conseil d’État censure l’obligation de tentative préalable de règlement alternatif des différends.
Auteurs : Julien Skeif, Bastien Girard et Ghislaine Betton
Publié le :
28/11/2022
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En 2017, les chantiers de la justice avaient conclu à la nécessaire simplification de la procédure civile.
Cette réforme, inscrite dans la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, s'est traduite par la publication d'un décret volumineux de plus de trente pages et 57 articles.
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, important par ses enjeux, a cependant été attaqué notamment par certaines organisations professionnelles d’avocats et de magistrats.
La problématique résidait dans le fait que, selon les cas, l'essentiel des nouvelles dispositions du Code de procédure civile issues de ce texte étaient applicables aux instances en cours ou aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, soit moins de vingt jours après sa publication.
Dans un contexte de réformes successives de la justice, cela ne laissait pas suffisamment de temps aux praticiens pour s’imprégner des dispositions et d’en faire une application efficace.
C’était notamment le cas de l’article 750-1 du Code de procédure civile, relatif à l’obligation de tentative préalable de résolution amiable du litige créé par le décret du 11 décembre 2019.
Ce texte reprend en substance une disposition d’une loi précédente du 18 novembre 2016 qui avait pour objectif de réduire le nombre de procédures judiciaire en augmentant les résolutions amiables des litiges.
L’article 750-1 institue, pour les petits contentieux (dont l’enjeu est inférieur à 5.000 €), préalablement à la saisine du Juge, une obligation de justifier d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation, ou d’une tentative de procédure participative.
Cette obligation était imposée à peine d’irrecevabilité de la demande en justice avec toutefois, une dérogation en cas de motif légitime ou d’indisponibilité de conciliateurs de justice.
Le dispositif a été fortement critiqué par les praticiens, qui lui reprochaient d’augmenter le coût du procès et d’allonger sa durée tout en compliquant la tâche des justiciables de bonne foi.
C’est la raison pour laquelle le Conseil National des Barreaux, la Conférence des Bâtonniers, l’ordre des avocats de Paris entre autres, ont formé un recours contre décret n° 2019-1333 précité.
Par suite, le Conseil d’État, par un arrêt n° 436939 du 22 septembre 2022, a annulé certaines dispositions de ce texte et, par voie de conséquence, celles de l'article 750-1 du Code de procédure civile.
Les juges administratifs ont en effet considéré que « [les dispositions du décret] n’ont pas défini de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels cette indisponibilité [du conciliateur] pourrait être regardée comme établie. »
Ils ont par ailleurs relevé que « s'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours juridictionnel, l'indétermination des critères […] est de nature à porter atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. »
En pratique, cela signifie que l’absence de tentative préalable de résolution amiable du litige pour les demandes en justice visées par le texte ne constitue plus un motif d’irrecevabilité puisque les conditions de la dérogation pour indisponibilité des conciliateurs de justice n’étaient pas suffisamment précises pour en déterminer les modalités et les délais.
Cette décision favorable au justiciable a été saluée par les praticiens, car elle supprime ainsi un préalable au recours judiciaire qui allait sans doute trop loin dans son objectif de désengorgement des tribunaux puisque celui-ci intervenait au détriment du justiciable.
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