
Séparation des patrimoines et redressement pour enrichissement inexpliqué
Auteur : Valentine Bernard et Barbara Brau
Publié le :
21/09/2023
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2023
Amorce : Le Conseil d’État a réaffirmé le principe de séparation des patrimoines de la société et de son dirigeant comme un critère à prendre en considération dans le cadre d’un redressement pour enrichissement inexpliqué. Résumé de l’affaire.
Le Conseil d’État dans une décision du 5 juillet 2023 (n°469947) a réaffirmé l’importance du principe de la séparation des patrimoines de la société et de son dirigeant en matière fiscale. Cette décision rappelle l’existence de trois conditions cumulatives permettant à l’administration fiscale de solliciter un redressement en se fondant sur l’enrichissement inexpliqué du dirigeant.
Le Conseil d’État a depuis longtemps posé le principe selon lequel l’administration fiscale peut se fonder sur l’enrichissement inexpliqué du patrimoine du dirigeant d’une société pour mettre en évidence l’existence de recettes dissimulées de la société, sans obligation de reconstituer le chiffre d’affaires ni les résultats de la société. Cette méthode de redressement est appelée « l’enrichissement inexpliqué ». Afin de tenir compte du principe fondamental de séparation des patrimoines, le cumul de trois conditions cumulatives a été mis en œuvre (CE, 23 avril 1975, n°92874 ; CE, 13 juillet 1979, n°13374 ; CE 1 juillet 1985, n°46123). Cependant, la dernière illustration jurisprudentielle de ce principe est relativement ancienne puisqu’elle date de 1992 (CE, 5 juillet 2023, n°469947).
Dans la présente affaire, l’administration fiscale a entrepris une vérification de comptabilité au sein d’une société. À l’issue de cette vérification, elle a écarté la comptabilité de la société comme non probante et a, en conséquence, reconstitué son chiffre d’affaires. Conformément à l’article 55 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) les sommes injustifiées inscrites au crédit du compte courant d’associé de son gérant majoritaire ont alors été regardées comme des recettes dissimulées. L’administration fiscale, se fondant sur l’existence d’un enrichissement inexpliqué, n’a en conséquence pas reconstitué les recettes de la société.
Cependant, le Conseil d’État a souligné qu’en raison du principe de séparation des patrimoines, l’enrichissement du gérant ne pouvait pas être automatiquement considéré comme une preuve de l’existence de recettes dissimulées.
Pour que l’enrichissement du dirigeant puisse être assimilé à des recettes dissimulées, trois critères cumulatifs doivent être réunis :
- La comptabilité de la société doit être dépourvue de valeur probante.
- Le gérant doit être regardé comme le seul maître de l’affaire.
- Des circonstances précises et concordantes, tirées du fonctionnement même de la société, doivent permettre d’établir l’existence d’une confusion de patrimoines entre la société et son gérant.
En l’espèce, les deux premières conditions étaient réunies, mais la troisième condition, relative à la confusion des patrimoines, n’a pas été établie en raison de l’absence de flux financiers entre la société et les comptes personnels du gérant, ainsi que par l’absence de liens juridiques ou d’affaires et de flux financiers avec les sociétés contrôlées par son gérant.
En l'absence de toute alternative de reconstitution des bénéfices de la société proposée par l'administration, le redressement a été écarté dans cette affaire.
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