Concurrence déloyale
Auteurs : Muriel Bourlioux, Mathilde Bouchet et Ghislaine Betton
Publié le :
27/08/2021
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Manquement à la règlementation et préjudice moral
Au terme d’un arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation a rappelé et précisé que :
- tout manquement à la loi ou à la réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur ;
- tout acte de concurrence déloyale cause nécessairement un préjudice à sa victime, ne serait-ce que moral ;
- la preuve d’un préjudice financier n’a pas systématiquement à être apportée par la victime d’un acte de concurrence déloyal, son action pouvant parfaitement avoir pour seul objet de mettre un terme à la pratique anticoncurrentielle, et à la rupture d’égalité engendrée.
Une société concurrente VM, commercialisant les mêmes articles, ayant repris ces descriptifs à l’identique, la société CCP l’avait assignée sur le fondement de la concurrence déloyale, en paiement de dommages et intérêts.
Dans cette affaire, CCP avait deux manquements à reprocher à VM : la copie servile de ses descriptifs sans bourse délier, et la violation d’une règlementation applicable en matière de procédure collective.
Sur le premier point, au stade de la Cour d’appel, la société CCP avait été déboutée, la juridiction estimant qu’elle ne rapportait pas la preuve d’une perte de chiffre d’affaires ou de clientèle, du fait des agissements de sa concurrente.
Le Cour de cassation a censuré cette décision, en rappelant que le parasitisme économique, consistant à s’immiscer dans le sillage d'autrui afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, cause nécessairement un préjudice, ne serait-il que moral.
Ainsi, tout acte de concurrence déloyal cause en lui-même un préjudice, à tout le moins moral, préjudice dont la victime n’a alors pas à rapporter la preuve, bénéficiant ainsi d’une forme de présomption.
Sur le second point, la Cour d’appel avait retenu que la société VM n’avait commis aucun acte de concurrence déloyale au préjudice de la société CCP, pour avoir repris les actifs d’une société tierce en violation des règles applicables en matière de procédures collectives, l'arrêt se limitant à énoncer qu'il n'était pas démontré que la cession de la société tierce aurait fait l'objet d'une opposition du ministère public.
Or, constitue un acte de concurrence déloyale tout agissement désorganisant le marché, dès lors qu'il confère à celui qui se soustrait à la réglementation en vigueur un avantage dans la concurrence au préjudice de ceux qui s'y conforment.
La Cour de cassation a donc là aussi censuré la décision de cour d’appel, en rappelant que constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d'une réglementation dans l'exercice d'une activité commerciale, la violation de la règlementation induisant nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur.
Cette décision s’explique par le raisonnement sous-jacent selon lequel le respect des dispositions légales et des règlementations propres à chaque secteur d’activité a un coût (humain et financier) pour les entreprises, souvent élevé et même de plus en plus élevé du fait de la multiplication des règles de droit.
Celui qui s’affranchit du respect de ces normes réalise donc une économie substantielle qui lui procure un avantage concurrentiel déloyal.
Ainsi, l’entreprise victime d’actes de concurrence déloyale, mais qui ne subit pas pour autant de perte de chiffres d’affaires ou de clientèle, dispose néanmoins d’une action en justice, dont l’objet n’est pas tant d’obtenir une indemnisation (même si elle obtiendra quelques dommages et intérêts pour préjudice moral) que de faire cesser les actes anticoncurrentiels, et de mettre ainsi un terme à la rupture d’égalité, dans la compétition économique, entre les différents acteurs d’un même marché.
Cet arrêt, qui ne pose pas de principes nouveaux, procède à des rappels nécessaires et bienvenus, certains juges du fond estimant que le manquement à une réglementation en vigueur ne constitue pas, en lui-même, un acte de concurrence déloyal.
L’arrêt commenté a ainsi le mérite de rappeler le caractère « automatique » de ce constat : s’il y a manquement ou violation d’une règle applicable au secteur d’activité concerné, il y alors « nécessairement » un avantage concurrentiel, et « nécessairement » un préjudice, même s’il n’est que moral.
Reste à voir désormais si davantage de juridictions de première instance et d’appel suivront la Cour de cassation suite à ces rappels pour le moins opportuns et importants dans la vie des entreprises.
Fort de son expertise, le Cabinet Pivoine Avocats peut vous accompagner en matière de concurrence déloyale. Pour plus d’informations ou prendre rendez-vous, contactez-nous.
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