L’action en responsabilité pour faute de gestion des gérants de sociétés à responsabilité limitée
Publié le :
02/05/2024
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Cass. Com., 24/01/2024 n°22-13.230 : l’action en responsabilité pour faute de gestion des gérants de sociétés à responsabilité limitée
Le dirigeant doit apporter à la gestion des affaires de la société toute la diligence nécessaire.
Afin d’encadrer l’exercice de ses fonctions, la loi prévoit que la responsabilité civile du dirigeant puisse être engagée par la société ou par des tiers lorsqu’il commet une faute dans sa gestion.
Plus précisément, l’article L.223-22 du Code de commerce pose le principe de la responsabilité civile du gérant d’une société à responsabilité limitée.
A cet égard, il est prévu que le gérant est responsable individuellement ou solidairement des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables ; des violations des statuts ou encore des fautes commises dans sa gestion.
Dans ce dernier cas, la faute de gestion est caractérisée dès lors que le gérant a eu un comportement contraire à l’intérêt de la société.
Par dérogation à la prescription quinquennale de droit commun, l’article L.223-23 du Code de commerce soumet l’action en responsabilité à une prescription triennale qui court à compter du fait dommageable ou de sa révélation s’il a été dissimulé.
C’est précisément sur cette question du report du point du délai de prescription que s’est prononcée la Cour de cassation dans une récente décision du 24 janvier 2024.
En l’espèce, par acte du 10 décembre 2008, les gérants d’une société à responsabilité limitée ont cédé un portefeuille de clientèle matérialisé par un fichier informatique.
Le 10 octobre 2013, le cessionnaire dudit portefeuille a assigné les gérants en paiement de dommages et intérêts en considérant qu’ils avaient commis une faute en ne procédant pas à la déclaration du fichier à la Commission nationale informatique et libertés (CNIL).
Le 16 janvier 2019, le Tribunal de commerce de Saint-Nazaire a débouté le cessionnaire de sa demande d’indemnisation qu’il a jugé irrecevable en raison de la prescription.
En effet, les Juges ont considéré que le point de départ du délai de prescription se situait au jour de la vente, soit le 10 décembre 2008. Partant, l’action pour faute de gestion devait être introduite au plus tard le 10 décembre 2011.
Le 11 janvier 2022, la Cour d’appel de Rennes a confirmé le jugement de première instance en considérant que les gérants avaient été négligents en ne déclarant pas à la Commission nationale informatique et libertés le fichier cédé et en n’informant pas le cessionnaire de l’absence de déclaration.
Néanmoins, pour les Juges d’appel il n’est pas établi que les gérants avaient connaissance que ce fichier était soumis à déclaration, de sorte qu’il n’était pas établi qu’ils aient intentionnellement dissimulé à l’acquéreur cette information ou le fait qu’ils n’avaient pas procédé à une telle déclaration. Les Juges d’appel ont donc écarté la dissimulation et par conséquent fait courir le délai de prescription à compter du jour de la vente.
Le cessionnaire s’est ensuite pourvu en cassation, sur le fondement de l’article L.223-23 du Code de commerce, en estimant que l’absence de dissimulation du fait dommageable ne pouvait se déduire d’une prétendue ignorance de la loi ou de l’absence de volonté de tromper la victime.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée le 24 janvier 2024 en rejetant le pourvoi au visa des articles L.223-22 et L.223-23 du Code de commerce.
Pour la Cour de cassation, il n’était pas établi que les gérants de la SARL avaient intentionnellement dissimulé à l’acquéreur du fichier client le défaut de déclaration à la CNIL ou n’avaient pas volontairement procédé à une telle déclaration.
Dès lors, pour la Cour de cassation, faute de dissimulation de la part des gérants, le délai prescription de l’action en responsabilité diligentée a commencé à courir à la date de la vente.
En somme, si l’action se prescrit par trois ans à compter de la révélation du fait dommageable dissimulé, la Cour de cassation considère que la dissimulation du fait litigieux suppose un comportement intentionnel du gérant et ne saurait se déduire du seul défaut d’information de celui qui agit en responsabilité.
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