
Commissionnaire de transport : point sur l’étendue de sa responsabilité
Auteur : Muriel Bourlioux et Walid Merad
Publié le :
04/05/2023
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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 mars 2023, n°21-10.017
Par un arrêt du 29 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a apporté des précisions quant à la notion de faute du commissionnaire ainsi que sur l’étendue de sa responsabilité en cas de dommage causé par des substitués.
Dans le litige en présence, la société Samra avait conclu un contrat pour l'extension d'une usine de traitement d'eau en Jordanie avec la société Degremont, laquelle avait chargé la société Someport d'organiser le transport de deux tours de désulfuration au départ de l’Espagne et à destination de la Jordanie.
La société Someport avait à son tour confié la réalisation matérielle de la première phase routière du transport à la société Universal Global Logistics et celle de la dernière phase terrestre jusqu'au site de livraison en Jordanie à la société CSS, laquelle en a elle-même confié l'exécution à la société Flagship.
Ayant constaté, le 9 avril 2014, des désordres sur les deux tours de désulfuration lors de leur livraison sur le site jordanien, la société Degremont (devenue Suez), et la société Samra ont assigné en indemnisation la société Someport (aux droits de laquelle est venue la société Bolloré Logistics), laquelle a appelé en garantie la société CSS.
En appel, le commissionnaire (Sompeort devenue Bolloré) a été condamné au paiement de la somme de 69.600 € avec intérêts au titre de l'indemnisation du préjudice subi sur l’une des deux tours.
Estimant cette indemnisation insuffisante, les sociétés Suez et Samra se sont pourvues en cassation.
Elles reprochaient notamment à la Cour d’appel de PARIS de ne pas avoir retenu la faute personnelle du commissionnaire. Elles estimaient que la faute du commissionnaire consistait à ne pas avoir assuré la présence d'une escorte du convoi tout au long du trajet. De ce simple fait, elles considéraient qu’il y avait une présomption que ce manquement était en lien de causalité direct avec le préjudice subi.
Or, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de PARIS, les demanderesses au pourvoi s’étant manifestement fourvoyées dans leur raisonnement.
En effet, la Cour de cassation a rappelé les dispositions applicables au cas d’espèce :
- l'article L. 132-5 du code de commerce qui prévoit que le commissionnaire de transport est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure ;
- les articles 13 et 13.2 du contrat-type de commission de transport desquels il résulte que si le commissionnaire est présumé responsable des dommages résultant du transport ou de son organisation, l'indemnité pour faute personnelle prouvée du commissionnaire de transport est strictement limitée aux proportions prévues à l’article 13.2.1 sauf faute grave ou inexcusable.
Cela ayant été rappelé, la Cour de cassation a relevé que :
- les dommages constatés sur la tour avaient été causés lors du trajet par voie terrestre sur la deuxième portion de trajet, conduisant au site de livraison en Jordanie, lequel avait été confié à la société Flagship ;
- les sociétés Suez et Samra ne justifient pas avoir sollicité du commissionnaire un itinéraire précis pour assurer l’acheminement en Jordanie, et rien n’indique d’ailleurs que l’itinéraire choisi était inapproprié ;
- s’il n’est pas établi la présence d’une escorte entre les 6èmes et 24èmes jours, il n’est pas établi que l’absence d’escorte sur cette partie du trajet a pu être à l’origine des dommages constatés à l’arrivée, de sorte qu’il n’est pas démontré l’existence d’un lien de causalité direct entre cette absence sur une partie du trajet et les dommages constatés ni même que la présence d’une telle escorte aurait été de nature à prévenir ou empêcher de tels dommages dont la cause n’a pas été élucidée ;
- les dommages sont le fruit probable d’une collision lors du transport terrestre de la marchandise qui a été exécuté par la société Flagship et n’ont pas été la conséquence d’un manquement du commissionnaire à ses propres obligations nées du contrat de commission de transport.
La Cour de cassation confirme ainsi l’arrêt rendu par la Cour d’appel, dont il ressortait que les avaries n’avaient pas été causées par le fait personnel du commissionnaire, et que dans ces conditions, les demandes d’indemnisation formées contre Somport, devenue Bolloré, au titre de sa responsabilité personnelle devaient être rejetées.
L’occasion était ainsi donnée à la Cour de cassation de rappeler que le commissionnaire de transport n’engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est à l’origine des avaries ou pertes de marchandises. Encore faut-il démontrer la faute, une simple présomption n’étant pas suffisante.
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