
Action du commissionnaire de transport contre son substitué : recevabilité et prescription
Auteur : Muriel Bourlioux et Ghislaine Betton
Publié le :
17/02/2023
17
février
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02
2023
Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 novembre 2022, n°20-18593
Par un arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation a précisé les conditions du recours dont dispose le commissionnaire de transport contre son substitué.
Dans le secteur du transport de marchandises, le recours au commissionnaire de transport pour la livraison de biens de l’expéditeur jusqu’au destinataire est courant.
La jurisprudence a eu l’occasion de définir la commission de transport comme « la convention par laquelle le commissionnaire s’engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d’un lieu à un autre. Elle se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d’organiser librement les transports par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout » (arrêt de principe de la Cour de cassation du 5 juillet 1982, n°78-12370).
Les commissionnaires, dans le cadre de l’exécution de leur mission globale de transport, ont régulièrement recours à un ou plusieurs autres transporteurs pour exécuter tout ou partie de ladite mission. On appelle ces transporteurs intermédiaires « sous-commissionnaires de transport » ou encore « commissionnaires substitués ».
Ces sous-commissionnaires n’ont pas passé de contrat avec le commettant, mais uniquement avec le commissionnaire principal.
Le commettant ne connaissant que le commissionnaire, il en découle pour ce dernier a une double responsabilité : il est à la foi garant de l’opération de transport et garant de ses substitués.
Toutefois, lorsque le commissionnaire de transport est condamné à indemniser le commettant à raison d’un manquement de son substitué, il dispose d’un recours contre ce dernier. C’est sur ce recours que l’arrêt du 23 novembre 2022 apporte des précisions.
En l’espèce, le 20 mai 2012, M. U. avait fait l’acquisition auprès de la société Tradimpex d’un navire dont le transport entre les Emirats Arabes Unis et la France avait été confié à la société Ami International. A l’arrivée du navire le 24 juin 2012, la société Ziegler, mandatée par M. U., l’a reçu sans réserve et l’a acheminé jusqu’à l’entrepôt de la société Transafos, laquelle l’a également reçu sans réserve, le 11 juillet 2012, et l’a entreposé sur son parking. Le 30 octobre 2012, M. U. s’est rendu dans les locaux de la société Transafos et a établi avec cette dernière le constat écrit de divers dégâts.
Le 28 octobre 2013, la société Ziegler a assigné la société Transafos afin de la voir juger responsable des dommages causés au navire, et de la voir tenue de la relever et garantir de toutes demandes que M. U. serait susceptible de former contre elle et de lui payer une certaine somme au titre des réparations. Les 10 et 13 mars 2015, M. U. a assigné respectivement la société Transafos et la société Ziegler en indemnisation de son préjudice. Les deux instances ont été jointes.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté l’appel en garanti formé par la société Ziegler à l’encontre de la société Transafos.
La Cour de cassation a confirmé cette décision au terme d’un arrêt de principe : « le commissionnaire de transport dont la responsabilité est recherchée en tant qu’il est garant de ses substitués ne justifie d’un intérêt à exercer à l’encontre de ces derniers une action principale en garantie que s’il a désintéressé le créancier d’indemnité ou s’est obligé à dédommager ce créancier qui a accepté d’attendre le résultat de la procédure engagée par le commissionnaire contre ses substitués ou leurs assureurs. La régularisation, jusqu’à ce que le juge statue, de la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir d’une telle action en garantie, exercée à titre principal, ne peut résulter que de l’indemnisation du créancier ou de l’engagement d’indemniser pris par le commissionnaire de transport ».
Autrement dit, faute d’indemnisation du commettant, ou de l’engagement de l’indemniser, le commissionnaire de transport n’a pas d’action contre son substitué. Le commettant peut régulariser la situation tant qu’il n’est pas prescrit (en l’occurrence, la prescription d’un an s’appliquait). Passé ce délai, le commissionnaire ne peut plus régulariser son action contre son substitué.
Il demeure donc seul redevable de l’indemnisation due au commettant, sans plus pouvoir se retourner contre son substitué.
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