
Sanction personnelle du dirigeant lorsque l’état de cessation des paiements précède la poursuite abusive d’une activité déficitaire
Auteurs : Dylan DUVERGT, Marion FAU, Ghislaine BETTON
Publié le :
24/08/2022
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2022
Cass. Com., 13 avril 2022, n° 21-12.994
À l’occasion d’une liquidation judiciaire, il arrive que le dirigeant soit sanctionné par la faillite personnelle.
Cette sanction a pour objet de priver le dirigeant de certains de ses droits.
L’effet le plus connu et le plus répandu de la faillite personnelle est très certainement l’interdiction de gérer qui peut être prononcée pour une durée maximale de quinze ans.
L’article L. 653-4 du code de commerce dresse une liste des actes pouvant justifier de telles interdictions. Parmi ces actes se trouve la poursuite abusive d’une activité déficitaire, ne pouvant conduire l’entreprise qu’à l’état de cessation des paiements, dans l’intérêt personnel du dirigeant.
L’arrêt rendu le 13 avril 2022 par la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte des précisions sur l’interprétation qui doit être donnée à cette disposition et apporte une précision intéressante quant à la poursuite abusive susmentionnée.
En l’espèce, une société a été mise en liquidation judiciaire le 19 novembre 2014 par jugement du tribunal de commerce de Paris.
L’état de cessation des paiements a été fixé au 19 mai 2013, soit le maximum légal de 18 mois avant l’ouverture de la procédure judiciaire.
Le liquidateur judiciaire a recherché la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif et a assigné ce dernier en sanction personnelle.
Il lui reprochait notamment d’avoir poursuivi l’exploitation déficitaire de la société sans s’acquitter de la moindre créance fiscale ou sociale, de ne pas avoir tenu de comptabilité complète sur l’année 2014 et d’avoir détourné le fonds de commerce de la société débitrice au profit d’une autre personne morale au sein de laquelle il était associé.
L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris a souligné la particulière gravité de ces faits avant de sanctionner le dirigeant d’une mesure de faillite personnelle de 8 ans.
Dans leur argumentaire, les juges du fond ont retenu que le dirigeant « a poursuivi en 2014 une exploitation déficitaire ».
Cette constatation semble anodine, mais elle servira de fondement au pourvoi en cassation exercé par le dirigeant.
En effet, il est reproché à l’arrêt d’appel d’avoir prononcé ladite sanction alors qu’elle avait dans le même temps constaté que la poursuite d’activité déficitaire était intervenue en 2014 et que l’état de cessation des paiements avait été fixé au 19 mai 2013.
Il en résulte logiquement que la poursuite d’activité ne pouvait pas conduire à l’état de cessation des paiements puisque celui-ci lui était antérieur.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme donc l’arrêt rendu en appel.
Pour la Haute juridiction, la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire qui ne peut conduire qu’à l’état de cessation des paiements peut tout à fait être caractérisée alors même que l’état de cessation des paiements est déjà survenu.
Ainsi, la mention relative à l’état de cessation des paiements dans l’article L 653-4, 4° du code de commerce semble davantage apparentée à un contexte dans lequel s’inscrit la conduite du dirigeant à l’égard du passif de la société débitrice qu’à une véritable condition de mise en place de la sanction personnelle.
Un particulière vigilance sera donc de mise sur ce point dans les situations critiques que peuvent rencontrer les sociétés.
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