
Vices cachés : le régime strict de responsabilité applicable aux vendeurs professionnels et assimilés
Auteur : Muriel Bourlioux
Publié le :
26/12/2023
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décembre
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12
2023
Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 19 octobre 2023, n°22-15536, Publié au bulletin
L’article 1643 du Code civil prévoit que le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. En effet, il ne s’agit que de protéger le vendeur de bonne foi, qui seul peut se prévaloir d’une éventuelle clause limitative ou exclusive de garantie.
Le vendeur qui, lui, avait connaissance du vice de la chose au jour de la vente, ne peut pas se prévaloir d’une telle clause.
Il en est de même du vendeur professionnel qui est présumé avoir connaissances des vices affectant le bien vendu.
L’article 1645 du Code civil précise en outre que si le vendeur connaissait les vices de la chose vendue, alors il doit non seulement restituer le prix de la vente qu’il a perçu mais encore verser à l’acquéreur tous dommages et intérêts de nature à l’indemniser de son préjudice.
Une jurisprudence très abondante a été rendue en application de ces textes.
Notamment, il est désormais de jurisprudence constante que, au vendeur professionnel, est assimilé le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l‘origine des vices de la chose vendue. Ainsi, même un non professionnel, du moment qu’il a réalisé lui-même les travaux, est tenu de connaître les vices qui trouvent leur origine dans les travaux qu’il a lui-même réalisés. Il ne peut donc se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés.
C’est ce qu’on appelle communément les vendeurs « castor », à savoir les vendeurs-constructeurs, qui se voient assimilés aux vendeurs professionnels, même s’ils sont de simples particuliers.
Ce principe est fermement établi et régulièrement répété et réaffirmé par des décisions sans ambiguïté.
Dans le cas ayant donné lieu à l’arrêt du 19 octobre dernier, une société civile immobilière (SCI) avait vendu une maison d’habitation à Mme R.
Suite à cette acquisition, Mme R s’est plainte de désordres affectant la maison.
Elle a obtenu la désignation d’un expert, et a assigné la SCI en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés.
La Cour d’appel de Limoges a refusé de condamner la SCI, venderesse, estimant qu’aucun élément du rapport d’expertise ne permettait de retenir que cette dernière avait connaissance des vices affectant la maison.
Mme R a dès lors saisi la Cour de cassation, laquelle a déjugé la Cour d’appel.
En effet, donnant raison à Mme R, la Cour de cassation a rappelé la jurisprudence bien établie selon laquelle sont assimilés à des vendeurs professionnels des non professionnels de la construction qui ont toutefois personnellement participé à la réalisation de la construction ou des travaux en cause.
Ainsi, la Cour d’appel aurait dû rechercher, comme me lui avait suggéré Mme R, si la SCI, venderesse, avait elle-même réalisé les travaux à l’origine des désordres affectant le bien vendu, afin de déterminer si elle s’était comportée en constructeur et devait alors être présumée avoir connaissance des vices affectant le bien.
On retiendra donc que la Cour d’Appel ne pouvait pas faire application de la clause d’exclusion de garantie des vices cachés prévue par l’acte de vente, sans avoir au préalable rechercher, comme cela lui était demandé par l’acquéreur, si la société venderesse avait elle-même réalisé les travaux à l’origine des désordres affectant le bien vendu, de sorte qu’elle s’était comportée en constructeur et devait donc être présumée avoir connaissance des vices.
Au-delà de la confirmation de ces grands principes jurisprudentiels, la Cour de cassation a profité de cet arrêt pour apporter la précision suivante : il importe peu que des changements soient survenus quant à l’identité des associés et gérants de la SCI. Si la SCI a effectué les travaux, y compris via des personnes qui ne font plus partie de la société, la SCI, prise en la personne de ses nouveaux associés et gérants, sera malgré tout considérée comme constructeur et donc comme étant présumée avoir connaissance des vices.
La précision est importante et nécessaire, puisqu’il était tentant pour la SCI venderesse de prétendre que, s’agissant d’une personne morale, elle ne pouvait pas avoir personnellement réalisé les travaux à l’origine du vice caché.
Ainsi, la Cour de cassation, précisant que la SCI venderesse qui a elle-même réalisé les travaux « par l’intermédiaire de son gérant, sans faire appel à un professionnel » doit être considérée comme un constructeur et donc être présumée avoir connaissance du vice affectant la chose vendue, poursuit son œuvre de définition d’un régime de responsabilité désormais bien encadré et très strict.
Elle ferme ainsi la porte aux diverses tentatives des plaideurs de voir reconnaître des exceptions qui les dédouaneraient de leur responsabilité et donc de leur obligation d’indemnisation de l’acquéreur.
Le cabinet PIVOINE AVOCATS est à votre disposition afin de vous conseiller et vous assister dans le cadre de vos litiges en matière de vente immobilière.
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