
La suspension des effets de la clause résolutoire dans le bail commercial par le juge
Publié le :
27/02/2025
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2025
La clause résolutoire est une disposition contractuelle permettant la résiliation automatique d’un contrat en cas de manquement d’une partie à ses obligations. En matière de bail commercial, elle joue un rôle essentiel en assurant au bailleur la possibilité de mettre fin au contrat si le locataire ne respecte pas certaines obligations, comme le paiement des loyers ou l’exploitation continue du fonds.
Toutefois, la mise en œuvre de cette clause est encadrée par la loi, notamment par l’article L. 145-41 du Code de commerce qui prévoit qu’une clause résolutoire ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Cet article dispose en outre que le juge peut accorder des délais au locataire pour régulariser sa situation, et suspendre ainsi les effets de la clause résolutoire.
Le contentieux relatif à la clause résolutoire du bail commercial a donné lieu à une jurisprudence abondante, fondée sur les dispositions de cet article, en raison des conséquences particulièrement lourdes pouvant découler de son application.
L’arrêt récent rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 6 février 2025 (n°23-18.360) en représente une nouvelle illustration, mettant en jeu la clause résolutoire pour non-respect par le locataire de son obligation d’exploiter le local.
1- Faits et procédure de l’arrêt
En l’espèce, une société civile immobilière a donné en location un local commercial à usage de restaurant. Le bail stipulait que, sauf exception légale, les lieux loués devaient toujours rester ouverts, exploités et être achalandés. La bailleresse, après avoir fait constater la fermeture du restaurant, a délivré au locataire un commandement de reprendre l'exploitation du fonds, en visant la clause résolutoire prévue au bail.Elle a ensuite assigné le locataire en constatation de la résiliation du bail. Par la suite, le locataire a formé une demande de délai pour régulariser sa situation avec suspension des effets de la clause résolutoire.
La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par son arrêt en date du 30 mars 2023 (n°22/01467), a refusé d’accorder des délais au locataire aux motifs que la suspension de la réalisation et des effets de la clause résolutoire ne pouvait s'appliquer qu'en cas de résiliation du bail pour non-paiement des loyers et charges. La cour considérait, au contraire, qu’aucune suspension des effets de la clause résolutoire n’était possible en cas de résiliation du bail pour non-respect d’une obligation de faire.
Le locataire a formé un pourvoi en cassation, faisant grief à cet arrêt d’appel d’avoir rejeté sa demande de délai avec suspension des effets de la clause résolutoire, alors que l'article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce autorise le juge à accorder des délais au preneur à un bail commercial, et par conséquent à suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire quel que soit le manquement reproché, y compris à une obligation de faire.
2- La position de la Cour
La Cour de cassation censure l’interprétation appliquée par l’arrêt d’appel et juge que dans un bail commercial, la suspension des effets d'une clause résolutoire peut être décidée par le juge quel que soit le manquement aux obligations reproché au locataire, et quand bien même il s’agirait d’une obligation de faire.Ainsi, cet arrêt apporte une clarification importante concernant l’application de la disposition protectrice des locataires de baux commerciaux, bien que cette dernière ne soit pas nouvelle.
En effet, l’article 7 de la loi n°89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social avait déjà supprimé de l’article 25 du décret n°53-960 du 30 septembre 1953 (aujourd’hui article L. 145-41) la condition exclusive du défaut de paiement du loyer, permettant au juge d’accorder des délais pour suspendre les effets de la clause résolutoire, quel que soit le motif invoqué comme manquement du preneur à ses obligations
Cette décision de février 2025 ne remet néanmoins pas en cause les limites établies par des jurisprudences antérieures : en effet, le juge ne peut accorder des délais sans suspendre simultanément les effets de la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 9 mars 2005, n°02-13.390). De plus, il est aussi nécessaire qu'une demande formelle de délais et de suspension de la clause résolutoire soit effectivement formulée par le preneur, puisque le juge ne peut y procéder d'office (Cass. 3e civ., 18 mai 2010, n°09-66.848).
Enfin, en dépit des délais possiblement accordés au preneur, il faut tout de même avoir conscience d’un garde-fou non négligeable : en cas de non-respect des délais de paiement accordés, la clause résolutoire s’acquiert et produit ses effets un mois après la délivrance du commandement, sauf en cas de force majeure (Cass. 3e civ., 16 avril 1986, n°84-14.782). Lorsqu’il y a non-respect des délais, il n’est pas possible d’en accorder de nouveaux (Cass. 3e civ., 2 avril 2003, n°01-16.834 ; Cass. 3e civ., 15 octobre 2008, n°07-16.725).
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