
Cessation des paiements et conciliation
Auteur : Kentin BEDOUIN & Violaine REYMOND
Publié le :
12/12/2024
12
décembre
déc.
12
2024
Analyse de l’arrêt Cass. Com. 20 novembre 2024, n°23-12.297
La cessation des paiements est une notion clé des procédures collectives.
Définit comme étant l'incapacité pour une entreprise de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, il découle, en effet, de ce marqueur de la procédure et de sa survenance, un certain nombre de conséquences et de considérations.
Elle est, notamment, l’élément de référence permettant de déterminer le type de procédure, amiable ou collective, dont l’ouverture peut être sollicitée.
L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
L’article L. 631-4 du Code de commerce, plus précisément, impose au débiteur de solliciter l’ouverture d’un redressement judiciaire dans un délai de 45 jours suivant la cessation des paiements, sauf s’il a engagé une procédure de conciliation dans ce même délai.
Le non-respect de ce délai peut exposer le dirigeant à des sanctions sévères, comme l’interdiction de gérer ou une condamnation pour faute de gestion, notamment en cas de liquidation judiciaire subséquente.
Dans une affaire récente, la Cour de cassation a clarifié l’articulation de cette obligation de déclaration avec la réserve comprise dans cet article relative à l’existence d’une procédure de conciliation en cours.
Le litige portait sur un dirigeant ayant sollicité une procédure de conciliation et n’ayant pas déclaré la cessation des paiements de son entreprise, alors que le délai de 45 jours pour ce faire était arrivée à expiration pendant la procédure de conciliation.
La conciliation avait échoué et le dirigeant n’avait sollicité l’ouverture d’un redressement judiciaire qu’après la fin de cette procédure.
Le redressement judiciaire avait, ensuite, été converti en liquidation. Le liquidateur avait engagé une action en comblement de passif contre le dirigeant, en considérant que son retard à déclarer la cessation des paiements constituait une faute de gestion. La cour d’appel donne raison au liquidateur, jugeant que le dirigeant avait agi fautivement.
La Cour de cassation casse cet arrêt, considérant, en application de l’article L 631-4 du code de commerce, que le débiteur est dispensé de déclarer sa cessation des paiements tant que la procédure de conciliation est en cours.
Cet arrêt, qui peut sembler faire une simple et stricte application de cet article, constitue en réalité un enseignement précieux puisqu’il permet de répondre à une question qui pouvait se poser en pratique sur le traitement de l’expiration du délai de 45 jours intervenue au cours d’une procédure de conciliation.
Il est ainsi affirmé que, dans ce cas, si les discussions sont toujours en cours, il n’y a pas lieu de mettre précipitamment un terme à la procédure de conciliation mais, au contraire, qu’il est tout à fait possible de poursuivre jusqu’à leur issue ces discussions.
Est, par-là, favorisé la recherche de solutions amiables dans le cadre confidentiel de la conciliation, qui est, le plus souvent, le meilleur moyen de résoudre les difficultés de l’entreprise.
Or, exiger du débiteur qu’il déclare sa cessation des paiements pendant la conciliation, alors que les discussions n’ont pas pris fin, anéantirait toute chance d’y parvenir.
Cet arrêt comprend un autre enseignement d’importance sur le comportement que doit adopter le dirigeant de l’entreprise en difficulté en cas d’échec des négociations.
Il précise effectivement le délai dont dispose le débiteur, dans ce cas, pour solliciter l’ouverture d’un redressement judiciaire si le délai de 45 jours à compter de la survenance de la cessation des paiements est arrivé à expiration pendant la conciliation, la Cour précisant qu’il doit le demander « sans délai ».
Il ne dispose donc pas d’un nouveau délai de 45 jours à compter de la fin de la conciliation, mais doit, immédiatement, faire le nécessaire.
Cela se comprend dans la mesure où, s’il n’existe plus aucune chance de trouver une solution amiable pour résoudre les difficultés de l’entreprise, il est urgent de ne pas laisser la situation perdurer, ce afin d’éviter d’aggraver la situation de l’entreprise ou de ses créanciers.
Par cette décision, les juges recherchent un équilibre entre la protection des débiteurs et celle des créanciers, tout en respectant l’objectif fondamental de sauvegarde des entreprises dans le cadre de la conciliation.
A NOTER : La solution retenue par la Cour de cassation ne semble pas applicable au mandat ad hoc. Bien que les deux procédures soient amiables et préventives, l’article L 631-4 du code de commerce, prévoyant cette dispense, évoque expressément la conciliation et non le mandat ad hoc.
L’équipe du cabinet Pivoine Avocats spécialisé en procédures collectives suit de près l’évolution de la législation ainsi que de la jurisprudence et se tient à vos côtés pour vous accompagner et vous conseiller.
Historique
-
Cessation des paiements et conciliation
Publié le : 12/12/2024 12 décembre déc. 12 2024Entreprises en difficultésAnalyse de l’arrêt Cass. Com. 20 novembre 2024, n°23-12.297 La cessation des paiements est une notion clé des procédures collectives. Définit comme étant l'incapacité pour une entreprise de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, il découle, en effet, de ce marqueur...
-
Analyse de l’Arrêt Clamageran du 3 juillet 2024
Publié le : 05/12/2024 05 décembre déc. 12 2024Responsabilité contractuelle - Conflits commerciauxLa Cour de cassation, par un arrêt de sa chambre commerciale du 3 juillet 2024 (n° n° 21-14.947), a fait évoluer sa jurisprudence en matière de responsabilité des parties au contrat à l’égard des tiers, lesquels peuvent désormais se voir opposer « les conditions et limites de la responsabilit...
-
Etendue de la responsabilité de l’architecte chargé d’une mission complète de maitrise d’œuvre envers le maître d’ouvrage
Publié le : 28/11/2024 28 novembre nov. 11 2024Construction, Immobilier et UrbanismeCass. 3e civ., 7 nov. 2024, n° 23-12.315, Publié au bulletin. Les obligations de l'architecte, principalement établies par le décret n° 80-210 du 20 mars 1980 portant Code des devoirs professionnels des architectes, varient selon l'étendue de la mission qui leur est confiée. Cette missio...
-
La majorité des voix : un principe inébranlable pour les décisions collectives en SAS
Publié le : 21/11/2024 21 novembre nov. 11 2024Corporate, droit de sociétés, financementLa société par actions simplifiée (SAS) offre une alternative plus flexible à la société anonyme (SA) puisqu’elle repose sur une forte dimension contractuelle. Pour autant, la Cour de cassation, par une décision de son Assemblée plénière en date du 15 novembre 2024 (n° 23-16.670), vient en...
-
TABLEAU COMPARATIF DES FORMES SOCIALES AGRICOLES (EXTRAIT)
Publié le : 14/11/2024 14 novembre nov. 11 2024Entreprises en difficultésPivoine Avocats vous présente ci-dessous, un extrait de son tableau comparatif de différentes formes sociales agricoles, sur plusieurs aspects juridiques. Groupement foncier agricole (GFA) Société civile d’exploitation agricole (SCEA) Exploitation agricole à...
-
ÉLARGISSEMENT DES MODES DÉCISIONNELS ET CONSÉCRATION DE LA VOIE ÉLECTRONIQUE DANS LE CADRE DE LA GOUVERNANCE DES SOCIÉTÉS CIVILES ET COMMERCIALES
Publié le : 07/11/2024 07 novembre nov. 11 2024Corporate, droit de sociétés, financementLa loi n°2024-537 du 13 juin 2024, à l’instar de la loi PACTE, se veut porteuse d’une vision rénovée de l’entreprise. Dans cette loi « fourre-tout » se côtoient diverses dispositions concernant le droit des titres, la compétence de la Cour d’Appel de Paris, le droit bancaire, le droit moné...