
Précisions importantes sur l’application de la clause d’exigibilité anticipée des sommes dues en l’absence de mise en demeure de l’emprunteur.
Auteur : Julien Skeif et Ghislaine Betton
Publié le :
15/02/2023
15
février
févr.
02
2023
Par un récent arrêt du 11 janvier 2023 publié au Bulletin mais également aux Lettres de chambre, la Cour de cassation vient d’apporter d’utiles précisions sur le régime de la clause d’exigibilité anticipée des sommes dues au titre d'un prêt et sur son lien avec la mise en demeure de l’emprunteur.
Rappelons préalablement que le régime de la mise en demeure figure aux articles 1344 à 1344-2 du Code civil, dont le premier prévoit qu’elle résulte soit d’une sommation ou d’un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, de la seule exigibilité de l'obligation.
Les parties peuvent donc, si elles le souhaitent, se dispenser de toute correspondance préalable à l’introduction d’une action en justice en le prévoyant dans leur contrat.
Par suite, selon la nature de l’obligation concernée, une absence de mise en demeure peut emporter des conséquences importantes sur le procès ayant pour objet subséquent.
Tel est notamment le cas de clause insérée dans les contrats de financement, permettant à un établissement bancaire de prononcer la déchéance du terme et d’exiger ainsi le remboursement immédiat du solde si l'emprunteur se rend responsable d’un défaut de paiement.
En effet, à défaut de mise en demeure préalable, la déchéance du terme ne peut, par principe, pas être prononcée.
L’établissement de crédit n’ayant pas observé cette formalité doit donc être débouté de sa demande en paiement du solde de l’emprunt, lequel n’est alors pas exigible.
La haute Cour avait d’ailleurs précisé en 2017 que l’assignation en justice, qui vaut notamment mise en demeure pour faire courir les intérêts de retard, ne permet pas de couvrir cette carence.
Au cas d’espèce, la Banque avait consenti à une SCI un prêt destiné au financement de l’acquisition d’un immeuble à usage locatif pour lequel deux associés personnes physiques s’étaient portés cautions solidaires.
Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt et assigné les cautions en paiement sans mise en demeure préalable.
Il échet de préciser que la clause prévoyant la déchéance du terme ne brillait pas par sa clarté puisque, reproduite dans l’arrêt commenté, celle-ci stipulait sous l’intitulé « exigibilité immédiate » que :
« les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l’un quelconque des cas suivants. Pour s’en prévaloir, le prêteur en avertira l’emprunteur par simple courrier (…) si l’emprunteur est en retard de plus de trente jours avec le paiement d’un terme en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt » ;
Pour s’opposer aux demandes de paiement de l’établissement bancaire, les associés ont alors notamment fait valoir que le solde de l’emprunt n’était pas exigible à défaut de mise en demeure préalable.
En cause d’appel, les juges du fond ont suivi cet argumentaire et considéré qu’aucun élément du contrat ne dispensait la banque de l’envoi d’une mise en demeure à l’emprunteur.
Par suite, la créance de la banque au titre du capital restant dû n’était pas exigible.
Mécontente, celle-ci a alors formé un pourvoi en Cassation faisant valoir qu’en présence d’une disposition expresse et non équivoque du contrat excluant la nécessité d’une mise en demeure préalablement à la déchéance du terme, celle-ci intervient du seul fait de la défaillance de l’emprunteur.
En d’autres termes se posait la question de savoir si la clause précitée permettait à la déchéance du terme de produire ses effets sans aucune mise en demeure préalable.
Approuvant les juges du fond, la juridiction suprême répond par la négative en considérant que la clause d’espèce ne prévoyait pas de dispense de mise en demeure et que l’exigibilité des sommes n’était donc pas acquise.
La solution est stricte et présente le mérite de la clarté.
La précision selon laquelle les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles ou toute autre indication quant à une déchéance automatique du terme ne suffit ainsi pas.
Il aurait au contraire convenu de stipuler de manière expresse et non équivoque que le recours à une mise en demeure n’était pas requis.
Au-delà de l’éclairage important qu’il apporte quant aux sanctions prévues par les contrats de prêt, cet arrêt rappelle la nécessité d’être rigoureusement exhaustif dans la rédaction des contrats faute de quoi certaines clauses peuvent se trouver privées de l’effet souhaité par les parties.
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