Cession de contrôle d’une société : exception à la présomption de solidarité passive
Auteurs : Camille MICHEL, Barbara BRAU
Publié le :
25/04/2024
25
avril
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04
2024
Un arrêt récent de la Cour de cassation en date du 24 janvier 2024 revient sur la solidarité passive présumée dans les actes de commerce. Cette notion permet à un créancier, en cas de codébiteurs d’une même obligation, de réclamer le paiement de l’intégralité de la dette à un seul de ces codébiteurs. Ainsi, chaque débiteur solidaire peut être tenu d’exécuter toute la prestation à charge pour lui de se retourner contre ses codébiteurs.
Du fait de sa gravité, la solidarité passive ne se présume pas,[1] sauf en matière commerciale où elle est, depuis plus d’un siècle, présumée pour les actes de commerce. [2]
Ainsi, est concernée par cette présomption, la cession de droits sociaux ayant pour objet ou pour effet le changement de contrôle d’une société commerciale [3], ainsi que les actes qui y sont liés, telle qu’une garantie d’actif et de passif.
En l’espèce, des associés ont cédé des parts sociales représentant 99% du capital social de la SARL qu’ils détenaient par quatre actes distincts. Le même jour, par un cinquième acte, un seul des associés a cédé 1% des parts au dirigeant de la société.
Chacun de ces actes prévoyait une garantie de passif qui a été mise en œuvre pour un passif non déclaré et antérieur à la cession. Par principe, les cédants auraient dû être garants solidaires de ce passif.
En appel, les cédants sont condamnés solidairement à verser la somme due au titre de la garantie aux acquéreurs, à charge pour eux de se la répartir au prorata de leur détention de capital. Selon les juges du fond, cette condamnation solidaire allait de soi car les cinq actes de cession, pris ensemble, ont conduit à une prise de contrôle total de la société. Celle-ci étant un acte commercial, la présomption de solidarité commerciale avait vocation à jouer. Dès lors, l’ensemble des cédants devaient être tenus solidairement au titre de leur garantie de passif au profit des deux acquéreurs, dont le dirigeant ultra-minoritaire.
Cette solution est censurée par la Cour de cassation qui estime que la solidarité dont bénéficie la société cessionnaire envers tous les cédants ne pouvait produire d’effets à l’égard du dirigeant qui avait acquis seulement 1% du capital auprès d’un seul cédant. Il n’avait donc de relation qu’avec ce dernier, seul débiteur, envers lui, de la garantie de passif. Qui plus est, seuls les quatre actes de cession au profit de l’autre acquéreur emportait cession de contrôle de la société. Le dirigeant qui n’avait acquis que 1% des parts, est devenu actionnaire ultra-minoritaire de la société et cet acte, pris isolément, n’emportait pas cession de contrôle de la société et ne pouvait être considéré comme un acte commercial entrainant l’application de la présomption de solidarité passive.
En l’espèce, la Cour a distingué (i) la garantie de passif accordée par le cédant de 1% des parts consentie au seul dirigeant cessionnaire sans être tenu solidairement avec les cédants de 99% des parts, (ii) de la garantie de passif consentie solidairement par les cédants de 99 % des parts au profit de la société cessionnaire mais non au profit du dirigeant auquel ils n’ont pas cédé de parts.
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