
NOUVEAU STATUT DE L’ENTREPRENEUR INDIVIDUEL
Auteurs : Sandra Laugier, Guillaume Sauray et Ghislaine Betton
Publié le :
07/03/2022
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2022
Le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée a été créé par la loi n°2010-658 du 15 juin 2010 laquelle est entrée en vigueur le 1er janvier 2011. Ce statut a permis à tout entrepreneur d’affecter à son activité professionnelle « un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale » (article L. 526-6 du Code de commerce).
Pour ce faire, l’entrepreneur devait réaliser une déclaration de l’ensemble des biens, droits et obligations composant son patrimoine (L. 526-7 du Code de commerce) sous peine de voir son patrimoine professionnel affecté être réuni avec son patrimoine personnel, faisant alors tomber le jeu de la séparation patrimonial.
Vivement critiqué car mal adapté à la réalité de l’entrepreneur, ledit statut a fait l’objet de nombreuses adaptations :
- La loi Pinel du 18 juin 2014 : allégement des formalités comptables de l’entrepreneur et changement de domiciliation facilité ;
- La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique du 9 décembre 2016 : suppression de l’obligation de double dépôt des comptes au répertoire des métiers et au RCS lorsque l’EIRL exerce une double activité commerciale et artisanale ;
- La loi PACTE du 19 mai 2019 : simplification des formalités constitutives et comptables, possibilité de créer une entreprise sous ledit régime sans patrimoine affecté.
Faisant face à l’échec cuisant de l’EIRL, le législateur a décidé de substituer ce dernier à un nouveau statut créé par la loi n°2022-172 du 14 février 2022.
L’apport principal de cette loi est la création d’un tout nouveau statut protecteur du patrimoine de l’entrepreneur (I). Outre les nouveautés intrinsèques au statut, d’autres lois viennent compléter ce dernier d’un point de vue fiscal et social (II).
I. Consécration d’un nouveau statut protecteur du patrimoine de l’entrepreneur
L’article 1 de la loi n°2022-172 du 14 février 2022 a modifié de manière substantielle le statut de l’entrepreneur individuel. Ces entrepreneurs individuels seraient ainsi titulaires, de plein droit sans qu’aucune déclaration d’affectation ne soit nécessaire, de deux patrimoines, professionnel (constitué des biens, droits, obligations et sûretés, utiles à l’activité ou à la pluralité d’activités professionnelles indépendantes) et personnel.Néanmoins, ce principe de séparation patrimoniale connait des exceptions :
- L’administration fiscale et les organismes de Sécurité sociale bénéficient d’une dérogation importante au principe de la séparation des patrimoines en cas de « manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales » (Art. L. 525-24 nouveau du Code de commerce)
- L’entrepreneur individuel peut renoncer au principe de la séparation de patrimoine au profit d’un créancier suite à une demande écrite de ce dernier. Or, cette renonciation ne peut concerner qu’un engagement spécifique et doit respecter les formes prescrites par décret (Art. L. 526-25 nouveau du Code de commerce) ;
Ainsi, le statut prendra effet à l’encontre des entreprises individuelles déjà créées et entrainera une scission patrimoniale à compter du 15 mai 2022. Les créanciers postérieurs auront pour seul gage, sauf dérogation, le patrimoine professionnel. Les entreprises créées après le 15 mais se verront appliquer automatiquement la scission patrimoniale.
II. Nouveautés fiscales et sociales relatives au nouveau statut
La loi de finance 2022 n°2021-1900 du 30 décembre 2021 prévoit également des nouveautés quant au régime de l’entrepreneur individuel.Fiscalement, ils pourront opter pour l'assimilation à une EURL (option irrévocable), valant option à l’IS (révocable jusqu’au 5ème exercice).
Lorsque l’option pour l’IS sera exercée, l’entreprise sera redevable de l’IS à raison de son bénéfice imposable déterminé selon les règles applicables à l’IS. Les sommes que l’entrepreneur s’attribue en rémunération de son activité seront fiscalement traitées comme des rémunérations allouées à l’associé d’une EURL ayant opté pour l'IS (elles seront donc déductibles du résultat et soumises à l’impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires).
Les prélèvements effectués par l’entrepreneur, autres que ses rémunérations, seront assimilés à des dividendes et ne seront pas admis en déduction pour la détermination du résultat.
Le régime des cotisations sociales de l’entrepreneur sera identique à celui de l’EIRL ayant opté pour son assimilation à une EURL ou à une EARL. Seront ainsi assujetties aux cotisations sociales des non-salariés les rémunérations nettes de l’entrepreneur, c'est-à-dire après déduction des cotisations sociales personnelles obligatoires et des frais réels admis par l'administration fiscale et majorées des primes et cotisations facultatives.
Comme dans le régime actuel, seront assujettis aux cotisations sociales les entrepreneurs individuels ayant opté pour l'IS, pour la fraction des revenus distribués (CGI art. 108 à 115) excédant 10 % du bénéfice net.
En raison de l'assimilation de l'entreprise à une EURL ou à une EARL, sa liquidation emportera les mêmes conséquences fiscales que la cessation d'entreprise et l'annulation des droits sociaux d'une EURL ou d'une EARL, à savoir :
- L’imposition des résultats non encore imposés à la date de cette cessation, y compris les éventuelles plus-values latentes, à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu (selon le régime fiscal de l'entreprise) ;
- L’imposition entre les mains de l'entrepreneur individuel du « boni de liquidation », dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
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