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                            Publié le : 
                            16/10/2025
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                                                Cass. Com., 2 juillet 2025, n° 24-13.438 Au cours de la période d’observation, plusieurs règles encadrent strictement la vie de l’entreprise, afin de préserver l’égalité entre les créanciers et d’assurer le bon déroulement de la procédure. Parmi elles, figure notamment l’interdiction des inscriptions, une règle essentielle fondée sur l’article L. 622-30 du Code de commerce.
Applicable à la procédure de sauvegarde ainsi qu’à celle du redressement et de la liquidation judiciaire, cet article dispose que :
« Les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture. Il en va de même des actes et des décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de droits réels, à moins que ces actes n'aient acquis date certaine ou que ces décisions ne soient devenues exécutoires avant le jugement d'ouverture.
Toutefois, le Trésor public conserve son privilège pour les créances qu'il n'était pas tenu d'inscrire à la date du jugement d'ouverture et pour les créances mises en recouvrement après cette date si ces créances sont déclarées dans les conditions prévues à l'article L. 622-24.
Le vendeur du fonds de commerce, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, peut inscrire son privilège. »
La question de la portée temporelle de cette règle soulève d’importantes interrogations, notamment quant à sa persistance après l’adoption du plan de continuation.
Dans un arrêt rendu le 2 juillet 2025, la Cour de cassation est venue apporter des clarifications essentielles en la matière en expliquant premièrement, et de façon très claire, que cette règle d’interdiction des inscriptions perdure après l'adoption du plan et pendant toute la durée d'exécution de celui-ci, ce qui témoigne d'une lecture extensive de l’article L. 622-30 du Code de commerce (1), et deuxièmement que la sanction de l'inopposabilité des inscriptions effectuées au mépris de l'interdiction de l'article L. 622-30 du Code de commerce n’empêche pas le prononcé de sa mainlevée (2).
Une lecture extensive de l’article L.622-30 du Code de commerce
Les faits dans cet arrêt étaient les suivants : en 2009, une banque avait accordé un prêt destiné à financer l'acquisition d'un terrain et la construction de deux villas à une société. Cette dernière a été placée en sauvegarde en mars 2018. La banque a déclaré sa créance. Un plan a été adopté en juillet 2019. Toutefois, le 20 décembre 2022, soit en cours d’exécution du plan, la banque a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens immobiliers de la société, l’hypothèque initiale ayant entre-temps expiré.Le 11 janvier 2023, le plan de sauvegarde de la société a été résolu et une procédure de redressement judiciaire a été ouverte.
Soutenant que l'hypothèque avait été inscrite en violation des dispositions de l'article L. 622-30 du Code de commerce, la société et son mandataire judiciaire ont demandé au président du tribunal de commerce, saisi en application de l'article R. 512-2 du Code des procédures civiles d'exécution, d'en ordonner la mainlevée.
Cette demande a été accueillie favorablement en première instance et la cour d’appel de Riom a, par un arrêt du 6 mars 2024, confirmé la mainlevée ordonnée ainsi que la radiation de l’hypothèque judiciaire provisoire.
La banque fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir ainsi statué alors que, selon elle, l'inscription d'une sûreté réelle, prise postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, mais antérieurement au redressement judiciaire prononcé après la résolution du plan de sauvegarde, est opposable à cette procédure de redressement judiciaire.
Dans un attendu de principe, la Cour de cassation rejette ce raisonnement et affirme expressément que l’adoption d’un plan ne met pas fin à l’application de l’interdiction des inscriptions, qui se poursuit pendant toute la durée de son exécution.
L’inopposabilité ne fait pas obstacle à la mainlevée de l’inscription hypothécaire irrégulièrement prise
A l’appui de son pourvoi, la banque soutient également que la sanction de l'inscription d'une hypothèque prise en violation de l'interdiction de l'article L. 622-30 du Code de commerce est l’inopposabilité à la procédure collective de cette dernière, sans que sa validité puisse être remise en cause.Elle fait valoir qu’en l’espèce cette inopposabilité, certes applicable à la première procédure tant que celle-ci produisait ses effets, c’est-à-dire pendant toute la durée d’exécution du plan, ne trouve plus à s’appliquer dans le cadre de la seconde procédure ouverte à la suite de la résolution du plan, de sorte qu’il ne pouvait être ordonné la mainlevée de l’inscription.
La Cour de cassation rejette cette analyse et énonce clairement dans son attendu de principe que par application combinée des articles L. 622-30 du Code de commerce et R. 512-1 du Code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution peut, lorsqu'il est saisi dans les délais légaux, ordonner la mainlevée d'une mesure conservatoire inscrite en violation de ces dispositions sans que l’adoption d’un plan n’ait d’incidence.
En l’espèce, la mainlevée de l'inscription devait être ordonnée puisque la banque, bénéficiaire d'une inscription d'hypothèque légalement publiée et renouvelée avec effet jusqu'au 24 mars 2019 pour garantir sa créance, l'avait laissée expirer, et qu’elle avait procédé à une nouvelle inscription hypothécaire provisoire le 20 décembre 2022, en cours d'exécution du plan de sauvegarde, laquelle était donc soumise aux dispositions de l’article L. 622-30.
Ainsi, l’inscription irrégulière n’est pas simplement inefficace à l’égard de la procédure, elle est juridiquement viciée et peut être remise en question par le juge.
Il s’agit là d’un point particulièrement important de l’arrêt : la Cour affirme une sanction pleine et entière de la méconnaissance de l’interdiction, en permettant la remise en cause directe de la mesure conservatoire.
En conclusion, par cet arrêt du 2 juillet 2025 et en affirmant avec clarté l’applicabilité postérieure à l’adoption du plan de la règle d’interdiction des inscriptions, la Cour de cassation rejoint la logique dégagée dans ses arrêts récents relatifs à l’arrêt des poursuites (Ex : Cass. Com., 5 mars 2025, n° 23-19.745). Surtout, elle admet la sanction de la mainlevée de l’inscription prise en opposition avec les dispositions légales du droit des procédures collectives.
Cet arrêt est un rappel ferme que pendant l’exécution du plan, les créanciers antérieurs ne peuvent pas améliorer leur situation juridique, même sous couvert de mesures conservatoires.
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Historique
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