
Compétence du Tribunal judiciaire en matière de responsabilité du mandataire liquidateur
Auteurs : Marion Fau, Violaine Reymond et Ghislaine Betton
Publié le :
13/05/2022
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2022
Soc., 19 janvier 2022, n°19-19.313
Les mandataires de justice sont susceptibles d’engager leur responsabilité civile professionnelle dans le cadre de l’exécution de leur mandat, à l’égard des créanciers voir du débiteur lui-même.
Le risque le plus important pour le mandataire judiciaire réside à l’égard des salariés du débiteur, par exemple lorsqu’ils n’ont pas licencié un salarié dans le délai lui permettant de recevoir de l’AGS le paiement des indemnités relatives à la rupture de son contrat de travail.
C’est ce cas de figure qui était reproché au liquidateur dans l’arrêt du 19 janvier 2022.
Une salariée a été engagée le 12 avril 2005 en qualité d’agent d’entretien. Le 5 mars 2013, son contrat de travail a été repris par un autre employeur. Ce dernier a ensuite été placé en redressement judiciaire le 10 mars 2015 par le Tribunal de commerce d’ORLEANS, avant d’être placé en liquidation judiciaire le 24 juin 2015.
La salariée, licenciée pour motif économique par le liquidateur le 20 novembre 2015, soit bien au-delà du délai de prise en charge par les AGS, a saisi le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir la fixation de ses créances de salaire sur le relevé des créances de son employeur.
Elle a ensuite assigné en intervention forcée, devant cette même juridiction, le liquidateur en garantie personnelle du paiement de ces sommes, invoquant la faute de ce dernier en ce qu’il ne l’avait pas licenciée durant les périodes ouvrant droit à la garantie de l’AGS.
La Cour d’appel de PARIS, dans un arrêt du 16 mai 2019, a retenu la compétence de la juridiction prud’hommale afin de statuer sur la responsabilité personnelle du mandataire liquidateur, laquelle l’a condamné à garantir le paiement des sommes fixées au titre des créances salariales de la salariée au passif de la société.
La Cour de cassation, saisie par le liquidateur, a donc dû déterminer si le Conseil de Prud’hommes était compétent afin de statuer sur la demande de responsabilité personnelle du liquidateur.
Elle répond par la négative et casse et annule la décision de la Cour d’appel de PARIS, au visa de 3 textes :
- l’article R.662-3 du Code de commerce selon lequel les actions en responsabilité civile exercées à l’encontre de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du Commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur sont de la compétence du Tribunal de Grande Instance ;
- l’article 51 du Code de procédure civile, selon lequel le Tribunal judiciaire connaît de toutes les demandes incidentes ne relevant pas de la compétence exclusive d’une autre juridiction. Sauf disposition particulière, les autres juridictions ne connaissent que des demandes incidentes entrant dans leur compétence d’attribution.
- l’article L.625-1 du Code de commerce, disposant que le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé peut saisir à peine de forclusion le Conseil de Prud’hommes dans un délai de 2 mois à compter de l’accomplissement de la mesure de publicité mentionnée à l’alinéa précédent.
Il est ainsi clairement réaffirmé, dans le sillage de la jurisprudence de la Chambre commerciale, que les actions en responsabilité civile exercées à l’encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire ou du Commissaire à l'exécution du plan, quelle que soit son fondement, relèvent exclusivement de la compétence matérielle du Tribunal judiciaire (Com., 5 décembre 2018, n°17-20.065).
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Historique
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