Précisions sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif dans le cadre d’une SAS dirigée par une personne morale
Auteur : Marie de Parisot et Ghislaine Betton
Publié le :
23/01/2024
23
janvier
janv.
01
2024
Dans son arrêt rendu le 13 décembre dernier, la Cour de cassation est venue préciser les conditions de mise en œuvre de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif du dirigeant personne morale de la SAS, et de son représentant légal.
En l’espèce, il s’agissait d’une SAS présidée par une personne morale et au sein de laquelle, il n’y avait pas eu de désignation d’un représentant permanent en l’absence de dispositions légales et statutaires l’imposant.
Ensuite de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la SAS, le liquidateur a initié une action en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’encontre de la personne morale qui la présidait et de son représentant légal, et contre deux autres sociétés, en leur qualité de dirigeant de fait, et leurs représentants légaux.
C’est dans ce contexte, que la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la question de la validité de l’action engagée contre le représentant légal de la société désignée présidente de la SAS.
Ce dernier faisait valoir que sa responsabilité ne pouvait être engagée dès lors que l’action devait être dirigée contre le seul représentant permanent de la société, et qu’en l’espèce, il n’avait pas été désigné comme tel.
La Cour de cassation a rejeté cet argumentaire aux motifs que :
« il résulte de la combinaison des articles L. 227-7, L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce que, lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une société par actions simplifiée (SAS) dirigée par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif, prévue par le troisième texte précité, est encourue non seulement par cette personne morale, dirigeant de droit, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d'une SAS. »
La Cour distingue donc l’étendue des personnes susceptibles de voir leur responsabilité engagée au titre de l’insuffisance d’actif selon qu’un représentant permanent a été désigné ou non au sein de la SAS.
En effet, en l’absence de désignation d’un représentant permanent, outre la responsabilité de la personne morale dirigeant la SAS, celle de son représentant légal pourra elle aussi être recherchée.
A l’inverse, une lecture a contrario, laisse à penser qu’en présence d’un représentant permanent, seul ce dernier et la personne morale pourraient voir leur responsabilité mise en cause.
L’intérêt de désigner un représentant permanent, qui rappelons-le n’est pas obligatoire sauf à ce que les statuts le prévoient, a donc une importance particulière en la matière.
Plus encore, la Cour vient préciser un élément concernant la faute de gestion qu’il incombe au liquidateur judiciaire d’avoir à caractériser.
En effet, si la Cour prend le soin de rappeler que cette faute doit être caractérisée à l’égard de la société dirigeante, elle précise qu’une telle démonstration n’est pas nécessaire à l’égard de son représentant légal dont la responsabilité pourra être recherchée sur le seul fondement de la faute commise par la société qu’il représente.
La faute de la personne morale permet donc d’engager indifféremment sa responsabilité et celle de son dirigeant, sans qu’une faute distincte de ce dernier ne soit nécessaire.
La mise en œuvre de la responsabilité pour insuffisance d’actif du représentant légal de la personne morale est ainsi facilitée, le liquidateur judiciaire n’étant pas tenue de caractérisée une faute distincte à son égard.
Si cette solution se justifie lorsque la gouvernance est unique, elle peut s’avérer dangereuse lorsqu’il y a plusieurs représentants légaux ne disposant pas nécessairement des mêmes pouvoirs de direction.
La faute de l’un pourrait alors être de nature à engager la responsabilité de tous.
La désignation d’un représentant permanent permettrait de contourner une telle situation puisqu’en ce cas, la Cour semble considérer que seul ce dernier et la personne morale sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée.
La Cour ne s’étant pas positionnée sur cette question, il serait intéressant qu’elle vienne affirmer que la présence d’un représentant permanent exonère le représentant légal de la société dirigeante de sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif.
Fort de son expérience dans le domaine des entreprises en difficultés, le Cabinet PIVOINE vous accompagne et vous conseille tout au long de la procédure collective et y compris dans le cadre des actions en responsabilité pour insuffisance d’actif pour préserver les droits des dirigeants.
Historique
-
Précision sur la portée de la subrogation de l’AGS dans les droits des salariés
Publié le : 28/02/2024 28 février févr. 02 2024ActualitésEntreprises en difficultésVeille juridique / Entreprises en difficultéL’AGS est subrogée dans les droits des salariés, elle bénéficie donc du droit à recevoir un paiement sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective (article L. 625-8 du code de commerce). A l’occasion de deux arrêts rendus le 17 janvier 2024, la Cour de cassation a mis fin au d...
-
Recevabilité de l’action en contrefaçon d’un logiciel par La Poste : la Cour d’appel de Paris accuse réception
Publié le : 28/02/2024 28 février févr. 02 2024Contentieux des affairesResponsabilité contractuelle - Conflits commerciauxPar un arrêt du 8 décembre 2013 (Cour d'appel de Paris - Pôle 5 - Chambre 2 - 8 décembre 2023 - n° 21/19696), la Cour d’appel de Paris vient de confirmer une question aux conséquences pratiques importantes pour les praticiens du contentieux portant sur les licences de logiciels ; une décision log...
-
Cour de cassation, Assemblée plénière, 22 décembre 2023, 20-20.648
Publié le : 28/02/2024 28 février févr. 02 2024Contentieux des affairesResponsabilité contractuelle - Conflits commerciauxLa consécration du droit à la preuve en présence d’une preuve obtenue de façon déloyale, un revirement de jurisprudence retentissant mais à la portée encore incertaine. Une preuve obtenue de façon déloyale peut désormais être, sous certaines conditions, recevable. Cependant, à quelles condi...
-
Les clauses d’indemnités de résiliation des contrats à l’épreuve des procédures collectives
Publié le : 06/02/2024 06 février févr. 02 2024Entreprises en difficultésA l’occasion d’un arrêt rendu le 15 mai 2019, la Cour de cassation a précisé l’importance de la rédaction des clauses de résiliation prévues dans les contrats des locations financières. Les contrats de locations financières prévoient en principe l’application d’une indemnité en cas de r...
-
Emission de réserves lors de l’approbation des comptes
Publié le : 30/01/2024 30 janvier janv. 01 2024Corporate, droit de sociétés, financementUn arrêt de la Cour de Cassation en date du 20 décembre 2023 vient de confirmer l’importance que peut avoir le fait, pour des associés, d’émettre, lors de l’approbation des comptes de la société, des réserves sur les comptes, ou les sommes figurant en compte-courant d’associés, et ce alor...
- banniere_article_pivoine-6597c594164b7-65a505c440c0b-65aa5bd9d8944.jpg
- pivoine-avocats-actu-droit-societe-30-01-2024-65aa5bd9d94f0.webp
-
Précisions sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif dans le cadre d’une SAS dirigée par une personne morale
Publié le : 23/01/2024 23 janvier janv. 01 2024Entreprises en difficultésCorporate, droit de sociétés, financementDans son arrêt rendu le 13 décembre dernier, la Cour de cassation est venue préciser les conditions de mise en œuvre de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif du dirigeant personne morale de la SAS, et de son représentant légal. En l’espèce, il s’agissait d’une SAS présid...
- banniere_article_pivoine-6597c594164b7-65a505c440c0b-65aa5e690b537.jpg
- pivoine-avocats-actu-droit-entreprise-difficulte-23-01-2024-65aa5e690b9d3.webp