Pas de garantie décennale pour les travaux sur les constructions existantes
Publié le :
18/04/2024
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Par un arrêt du 21 mars 2024, la 3ème chambre civile revient sur sa jurisprudence relative à la garantie décennale résultant de l’installation d’équipements sur existants. En refusant à ces derniers la qualification d’ouvrage, elle les exclut du carcan de la garantie décennale et biennale de bon fonctionnement et ce peu importe la gravité du désordre. (Cass. Civ. 3ème, 21 mars 2014, n°22-18.694)
En effet, cette décision vient préciser le champ d’application de la responsabilité dite « décennale » incombant aux constructeurs. Pour en saisir la portée, il convient de rappeler les notions en perspective :
Sur la responsabilité décennale :
Ce régime de responsabilité du constructeur posé par les articles 1792 et suivants, aussi appelé garantie décennale, a pour objectif de permettre aux maîtres d’ouvrage, ou commanditaires des travaux, de se faire indemniser pour les désordres apparus dans un délai de 10 ans, à compter de la réception desdits travaux.
Ainsi, les professionnels de la construction sont responsables « des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. ».
Sont concernés les travaux portant sur :
- L’ouvrage lui-même ;
- Les équipements indissociables des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert. (Article 1792-2 du code civil)
Sur la responsabilité biennale (de bon fonctionnement) :
Posé par l’article 1792-3 du code civil, ce régime, aussi appelé garantie biennale, a vocation à protéger les maitres d’ouvrage en cas de dysfonctionnement des équipements non-concernés par la garantie décennale. Le délai pour la mise en œuvre de la responsabilité du constructeur court pour une durée de 2 ans à compter de la réception des travaux.
Concernant les « travaux sur existants » :
Le cas de ce que l’on appelle « l’installation d’équipement sur existants » concerne spécifiquement les travaux de rénovation ou d’amélioration de l’ouvrage existant au préalable. La grande question en la matière est de savoir si le professionnel engagé aux fins de réaliser ces travaux est responsable au titre des garanties prévues spécifiquement par les articles 1792 et suivants du code civil.
Depuis un arrêt de principe du 15 juin 2017, les juges étaient prompts à considérer le constructeur responsable, au titre de la garantie décennale, des désordres affectant les éléments d’équipement de l’ouvrage, peu important qu’ils soient dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, dès lors qu’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination (Cass. Civ. 3ème, 15 juin 2017, n°16-19.640).
- Par exemple : si le dysfonctionnement d’une pompe à chaleur installée postérieurement à la réalisation de l’ouvrage le rend inhabitable
L’arrêt du 21 mars 2024 vient rebattre les cartes. La Cour prend acte de l’échec de la jurisprudence antérieure qui poursuivait comme objectifs une meilleure indemnisation du maitre d’ouvrage et une plus large souscription d’assurance responsabilité décennale.
Faisant le constat que depuis l’extension de la garantie décennale, la protection et l’indemnisation des maîtres d’ouvrage ne s’amélioraient pas elle énonce qu’il apparait nécessaire de renoncer à la jurisprudence de 2017. Par suite, elle pose le principe selon lequel : « les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, ».
Deux conséquences peuvent être tirées de cet important arrêt :
D’abord, la responsabilité décennale écartée, l’assurance de responsabilité afférente ne doit plus être obligatoirement souscrite pour les professionnels pour les chantiers de rénovation et d’amélioration d’ouvrages existants.
Enfin, pour son indemnisation, le maître d’ouvrage devra fonder son action sur la responsabilité contractuelle classique.
Il faut noter que la décision est critiquable car quelque peu lacunaire. Elle met fin à une position qu’elle considère inutile aux objectifs qu’elle s’était fixée, c’est-à-dire accroitre la protection du maître d’ouvrage. Or, si le manque d’efficacité vient justifier sa décision, il aurait été souhaitable de pousser le raisonnement au point de proposer des pistes pour améliorer effectivement la situation du maître d’ouvrage.
Historique
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