
Désordres affectant des éléments d’équipement de l’ouvrage : précision sur la responsabilité du constructeur
Auteurs : Dylan DUVERGT, Virginie MAUVE, Ghislaine BETTON
Publié le :
31/08/2022
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2022
Cass. Civ. 3ème, 13 juillet 2022, n°19-20.231
En application de l’article 1792 du Code civil, le constructeur est réputé responsable, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages affectant un élément d’équipement lorsqu’ils sont de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination.
La Cour de cassation n’a pas manqué, en de multiples occasions, de faire application de ce texte et de considérer que les désordres affectant ces éléments d’équipement relevaient de la responsabilité décennale du constructeur (Cass. Civ. 3ème, 15 janvier 2017, n°16-19.640 ; Cass. Civ. 3ème, 7 mars 2019, n°18-11.741).
Plus récemment, la Haute juridiction a pu affiner sa jurisprudence en considérant que la responsabilité décennale du constructeur était engagée si les désordres trouvent leur origine dans un élément d’équipement qui est destiné à fonctionner (Cass. Civ. 3ème, 13 février 2020, n°19-10.249)
L’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 13 juillet 2022 vient confirmer les précisions apportées au régime de la responsabilité du constructeur par l’arrêt susmentionné et nous montre encore que les solutions retenues en la matière ne sont pas invariables.
En l’espèce, un couple avait acquis une maison d’habitation dans laquelle ils ont réalisé des travaux de rénovation en 2006 au cours desquels ils ont notamment posé des carreaux de carrelage et des cloisons.
En réalisant ces travaux, ils revêtent donc la qualité de constructeur visée par l’article 1792 du Code civil.
Suivant acte notarié en date du 6 août 2012, deux particuliers ont acquis du précédent couple la maison d’habitation.
C’est en 2014 que les nouveaux acquéreurs constatent la présence d’humidité et, notamment, des traces de salpêtre et des remontées d’eau et estiment, à l’appui d’un rapport d’expertise, que ces désordres trouvent leur origine dans les travaux réalisés par les anciens propriétaires du bien. Ils décident donc d’assigner ces derniers en réparation.
La cour d’appel de Besançon accède à leurs demandes et condamne les anciens propriétaires sur le fondement de la responsabilité décennale. Pour engager leur responsabilité décennale, les juges du fond inscrivent leurs motivations dans le sillage des solutions jurisprudentielles antérieures et retiennent d’une part que les carreaux de carrelage et les cloisons ne font pas indissociablement corps avec l’ouvrage, mais également que les désordres qui affectent les éléments d’équipement rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination
La Cour de cassation casse tout de même l’arrêt rendu par la cour d’appel de Besançon. La Haute juridiction réitère sa position en retenant que les carreaux de carrelages et les cloisons ne sont pas des éléments d’équipements destinés à fonctionner. Se faisant, elle écarte la responsabilité décennale des constructeurs au profit de la responsabilité contractuelle de ces derniers, la responsabilité décennale se trouvant, en la matière, limitée aux désordres affectant des éléments d’équipements destinés à fonctionner.
Les décisions rendues par les juges du droit ne manqueront pas de restreindre l’accès à la présomption de responsabilité posée par le régime de la responsabilité décennale. Les justiciables soucieux d’obtenir réparation pour les désordres issus d’éléments d’équipement affectant l’ouvrage et le rendant impropre à sa destination se trouveront donc contraints de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice ainsi d’un lien de causalité pour obtenir réparation, dans le cas d’équipements n’ayant pas vocation à fonctionner.
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