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Construire en zone agricole : la protection de l’espace rural comme ambition

Construire en zone agricole : la protection de l’espace rural comme ambition

Auteur : Claire Garcia et Clothilde Taulet
Publié le : 21/07/2023 21 juillet juil. 07 2023




Amorce : Voici deux principes fondamentaux dans le règlement du PLU : le principe de réciprocité et le principe de nécessité. Dans quelle mesure manifestent-ils l’ambition de protéger l’espace dont jouissent les agriculteurs et les tiers, tout en assurant la cohérence du projet d’exploitation ?

En apparence, le Code de l’urbanisme est clair. En effet, en zone agricole, le règlement du PLU peut :
  • Autoriser les constructions, installations et aménagements nécessaires à l’activité agricole ;
  • Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs si elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière ;
  • Désigner les bâtiments pouvant faire l’objet d’un changement de destination, dès lors que ce changement ne compromet pas l’activité agricole ou la qualité paysagère du site ;
  • Autoriser les contractions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsqu’il s’agit d’activités dans le prolongement de l’acte de production ;
  • Autoriser l’extension d’habitations existantes, tant que n’est pas compromise l’activité agricole.
Malgré tout, des précisions essentielles ont été nécessaires au cours de l’application de ce droit.  S’agissant des constructions agricoles, deux principes fondamentaux se dégagent : le principe de réciprocité et le principe de nécessité.

Le principe de réciprocité repose sur des règles d’éloignement devant être respectées vis-à-vis des habitations et des locaux habituellement occupés par des tiers. Cela concerne notamment les bâtiments agricoles à destination d’élevage et certains bâtiments de stockage. Ledit principe posé à l’article L111-3 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) impose ces mêmes règles de distance pour toute nouvelle construction ou changement de destination à usage non agricole, cette fois-ci vis-à-vis des bâtiments agricoles existants.

Le même article du CRPM prévoit toutefois des assouplissements. La commune peut effectivement instaurer des règles d’éloignement différentes dans son PLU. Aussi, une distance d’éloignement inférieure peut être autorisée par l’autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d’agriculture, afin de prendre en compte les spécificités locales.

Comment définir le tiers à l’exploitation agricole ? Il s’agit de toute personne étrangère à l’exploitation agricole, hormis les personnes vivant au foyer de l’exploitant et ses employés logés par ses soins. Il est pertinent de noter que le juge a notamment considéré que l’ancien exploitant, bailleur de son hangar, est un tiers à sa propre exploitation. Il en sera de même pour les frères et sœurs de l’exploitant ayant repris la ferme familiale.

Attention, le principe de réciprocité n’a pas à être respecté pour les constructions soumises à déclaration préalable, l’extension de construction existante à usage non agricole ou les logements nécessaires à l’exploitation (afin de loger l’exploitant ou les salariés).

Si l’exploitation agricole est soumise à ICPE, la règle impose un recul de 50 à 100 mètres par rapport aux bâtiments et annexes composant l’exploitation. Cependant, si elle est soumise au RSD, un recul de 50 mètres est exigé.
Le principe de nécessité existe aussi pour protéger l’espace rural. Dans les zones agricoles des PLU et des cartes communales mais aussi en dehors des parties actuellement urbanisées, seul l’agriculteur a la possibilité de construire et ce à condition que la construction apparaisse nécessaire à l’exploitation agricole.

Comment définir le caractère nécessaire ? Il s’agit du caractère indispensable de certaines installations ou constructions du point de vue du fonctionnement et des activités de l’exploitation. Un examen au cas par cas des demandes est requis au vu de la complexité et de la diversité des productions et structures.

Dans son appréciation, le juge s’appuie sur un faisceau d’indices dans lequel on retrouve notamment l’étendue de l’exploitation et sa nature. Dans les cas où le projet se situe loin de l’existant, il ne reconnait pas le caractère nécessaire de la construction.

Néanmoins, le critère de la rentabilité économique ne peut être valablement pris en compte dans cette appréciation.

Il est étranger aux objectifs du droit de l’urbanisme.

Longtemps, la jurisprudence a jugé nécessaires à l'exploitation les constructions construites pour développer des activités ayant pour support l’exploitation ou étant dans le prolongement de l’exploitation. Il s’agit ici de gîtes, de l’agrotourisme, de vente à la ferme, etc. Mais depuis un arrêt du Conseil d’État du 14 février 2007, la situation s’est inversée. Cela a mené à un élargissement des interdictions à toutes les constructions non directement liées à l’activité agricole (dans sa définition la plus réduite telle que définie dans l’article L311-1 du CRPM). Ces restrictions ont rendu la diversification de l’activité plus restreinte.

Par la suite, une intervention du législateur dans le cadre de la loi ELAN du 23 novembre 2018 donne la possibilité d’inclure une disposition dans le règlement du PLU autorisant « les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles ». Cette disposition a été introduite de plein droit pour les communes dotées d’une carte communale.

Le cumul desdits principes vient finalement assurer aux tiers mais aussi aux agriculteurs une protection accrue de l’espace dont ils jouissent, sans délaisser la cohérence d’un projet d’exploitation.

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