Covid 19 : L’assureur peut refuser sa garantie « pertes d’exploitation »
Auteur : Julien Skeif et Ghislaine Betton
Publié le :
04/01/2023
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2023
Par un important arrêt du 1er décembre 2022 , la Cour de cassation vient pour la première fois de prendre position sur les litiges opposant l’assureur AXA (société AXA France IARD) aux restaurateurs ayant subi des pertes d’exploitation liées à la pandémie de COVID19.
Pour mémoire, l’article L. 113-1 du Code des assurances prévoit que les clauses d'exclusion privant l'assuré du bénéfice d’une garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées pour être valables.
Tel n'est pas le cas lorsque la clause ne se réfère pas à des critères précis et nécessite une interprétation ou lorsqu’elle vide la garantie de sa substance, de sorte qu’après son application, elle ne laisse subsister qu’une garantie dérisoire.
Au cas d’espèce, des restaurateurs étaient assurés contre les pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative décidée en raison d’une épidémie, d’une maladie contagieuse, d’une intoxication, d’un meurtre ou d’un suicide.
Cependant, leur police prévoyait par ailleurs une exclusion de garantie lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement avait fait l’objet, sur le même territoire départemental, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.
Suite aux évènements sanitaires survenus en mars 2020, de nombreux restaurants avaient réclamé la mobilisation de la garantie précitée, mais s’en étaient vus refuser le bénéfice par leur assureur au motif que la décision de fermeture affectait une multitude d’autres établissements sur le territoire considéré.
Estimant que l’application de la clause d’exclusion aboutissait à ne pas les garantir des pertes d’exploitation subies en raison d’une fermeture administrative pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie, de nombreux établissements ont donc saisi les tribunaux.
Ainsi, durant les deux dernières années, de nombreuses décisions ont été rendues sur ce point en première instance et en appel.
Nombre d’entre elles ont suivi le raisonnement des restaurateurs et condamné l’assureur en jugeant que la clause d’exclusion contenue dans ses contrats n’était pas formelle et limitée et/ou vidait la garantie de sa substance.
La position de la Juridiction suprême se prononçant sur l’adéquation de l’exclusion de garantie prévue par les polices de la société AXA à la règlementation était donc particulièrement attendue.
Pour traiter le sujet, l’arrêt commenté procède en deux temps.
En premier lieu, la haute Cour rappelle la règle selon laquelle la clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite une interprétation.
À ce titre, elle relève que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie, mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie.
Ce faisant, elle désapprouve les juges d’appel d’avoir déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse du fait que le terme « épidémie » nécessitait une interprétation, puisque là n’était pas la question.
En second lieu, la juridiction suprême rappelle également qu’une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.
Elle relève à ce propos que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.
De ce fait, la clause d'exclusion litigieuse laissait subsister la garantie pour le cas où les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative étaient liées à ces autres causes ou survenues dans d'autres circonstances que celles qu’elle prévoyait.
Elle n'avait donc pas pour effet de vider la garantie de sa substance.
Ne s’étant ainsi manifestement pas fondé sur les éléments pertinents du contrat, l’arrêt d’appel est cassé et l’affaire renvoyée devant la cour d’Aix-en-Provence autrement composée.
Par application particulièrement rigoureuse de L.113-1 du Code des assurances, cette décision riche d’enseignements semble bien mettre un terme aux débats sur la validité de la clause d’exclusion figurant dans les polices d’assurance d’AXA.
Pour s’en convaincre, il conviendra toutefois de rester particulièrement attentif à la cinquantaine de pourvois en cassation formés sur ce même sujet et à la décision devant être rendue par les juges aixois à nouveau saisis de l’affaire.
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