
PROPRIETE IMMOBILIERE
Auteurs : Virginie Mauve, Ghislaine Betton
Publié le :
12/07/2021
12
juillet
juil.
07
2021
AUTORISATION DE CONSTRUCTION ET OBLIGATION DE DEMOLITION
Cass. Civ. 3ème, 15 avril 2021, n° 20-13.649
Le tiers autorisé par le propriétaire à construire sur le terrain de ce dernier n'est pas considéré comme un constructeur de bonne foi au sens de l’article 555 du Code Civil et peut être condamné à démolir l’ouvrage à ses frais.
En l’espèce, un père avait construit une maison sur le terrain appartenant à sa fille avec son autorisation. En quittant les lieux, il l’a assigné en remboursement des frais engagés pour la construction sur le fondement de l’article 555 du Code Civil, précisément en son dernier alinéa :
« Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.
Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.
Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.
Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent. »
La Cour d’appel rejette sa demande et condamne le père à démolir à ses frais la construction aux motifs que ce dernier ne justifiait pas d’un titre translatif de propriété dont il ignorait les vices.
Devant la Cour de cassation, le père soutenait que celui qui construit sur le terrain d’autrui avec l’autorisation du propriétaire est présumé de bonne foi, sans qu’il ait besoin de prouver l’existence d’un titre translatif de propriété dont il ignorait le vice.
Il invoquait, à titre subsidiaire, que la renonciation à un droit peut être tacite, pourvu qu’elle soit non équivoque ; que l’autorisation donnée par le propriétaire de procéder à l’édification d’une construction sur son terrain par un constructeur de mauvaise foi peut constituer une renonciation tacite à se prévaloir de son droit à la démolition de l’ouvrage.
La Cour de cassation rejette son pourvoi considérant que la bonne foi au sens du dernier alinéa de l’article 555 du Code Civil s’entend par référence à l’article 550 du même code :
« Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.
Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus. »
De sorte qu’il ne peut concerner que celui qui possède comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.
Le constructeur ne pouvait ainsi être de bonne foi en l’espèce puisque même autorisé par sa fille à construire, il ne disposait d’aucun titre.
La construction sur le terrain d’autrui entraîne nécessairement son acquisition de plein droit par le propriétaire du sol par le jeu de l’accession par incorporation prévue à l’article 712 du Code Civil.
L’apport de cet arrêt est de se prononcer sur l’indemnisation du constructeur en l’absence de convention réglant le sort de la construction dont les règles sont fixées par l’article 555 du Code Civil.
La notion de bonne foi de son alinéa 4 doit donc s’entendre de la personne ayant une perception erronée de la réalité en se croyant propriétaire, et non de celle ayant obtenu l’autorisation de construire sur le terrain d’autrui.
Cet arrêt est une nouvelle expression du caractère absolu attaché au droit de propriété consacré dès la promulgation du Code Civil napoléonien en 1804 à l’article 544 dont la version n’a depuis jamais changé.
Pour toutes vos interrogations et besoins en matière de propriété immobilière, notre cabinet vous accompagne et vous conseille.
Pour plus d’informations ou pour prendre rendez-vous, contactez-nous.
Historique
-
Résolution de la vente immobilière et perte de la qualité de propriétaire
Publié le : 04/10/2021 04 octobre oct. 10 2021Construction, Immobilier et UrbanismeEffet de la résolution sur les actions en garantie décennale et en responsabilité civile L’effet rétroactif de la résolution de la vente entraîne la perte de la qualité de propriétaire du bien. Par conséquent, l’acheteur n'est pas recevable à agir sur le fondement de la garantie décennal...
-
Non-conformité de la construction au permis de construire
Publié le : 22/09/2021 22 septembre sept. 09 2021Construction, Immobilier et UrbanismeSort d’une construction achevée non-conforme CE, 25 novembre 2020, n° 429623 Dans les faits, un permis a été délivré pour la construction d’une maison d’habitation. La hauteur de construction maximale ayant été dépassée, les voisins ont fait judiciairement constater la non-conformité d...
-
Fixation de l’assiette de la servitude
Publié le : 03/09/2021 03 septembre sept. 09 2021Construction, Immobilier et UrbanismeCass. Civ. 3e, 20 mai 2021, n° 20-15.082 Conformément à l’article 682 du Code civil, le propriétaire d’un fonds enclavé se trouve en droit de demander le bénéfice d’un passage sur le fonds de ses voisins pour disposer d’un accès à la voie publique. La mise en œuvre d’une servitude de p...
-
Assurance dommages-ouvrage
Publié le : 19/07/2021 19 juillet juil. 07 2021Construction, Immobilier et UrbanismeAssuranceLe champ d’application L’articulation entre les différentes garanties et assurances mises en œuvre dans le cadre de la construction d’un ouvrage continue d’alimenter un contentieux abondant en raison de la technicité et de l’indépendance de chaque régime juridique, qu’il convient d’éclairer....
-
PROPRIETE IMMOBILIERE
Publié le : 12/07/2021 12 juillet juil. 07 2021Construction, Immobilier et UrbanismeAUTORISATION DE CONSTRUCTION ET OBLIGATION DE DEMOLITION Cass. Civ. 3ème, 15 avril 2021, n° 20-13.649 Le tiers autorisé par le propriétaire à construire sur le terrain de ce dernier n'est pas considéré comme un constructeur de bonne foi au sens de l’article 555 du Code Civil et peut être...
-
Action contre le vendeur d'immeuble à construire
Publié le : 31/05/2021 31 mai mai 05 2021Construction, Immobilier et UrbanismeConcours d'action entre garantie décennale et garantie des vices apparents Lorsqu’un immeuble est vendu en l’état futur d’achèvement, le promoteur revêt une double casquette, celle de vendeur d’un bien futur et celle de constructeur de l’ouvrage. Il est tenu envers l’acquéreur, en sa qu...