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Bénéficiaires effectifs, fin (enfin) de l’accès au grand public ?

Bénéficiaires effectifs, fin (enfin) de l’accès au grand public ?

Auteur : Barbara Brau et Ghislaine Betton
Publié le : 06/01/2023 06 janvier janv. 01 2023



Arrêt de la Cour – Grande Chambre – 22 novembre 2022

Le Registre des Bénéficiaires Effectifs (RBE) a été instauré par la Directive 2015/849, initialement, pour permettre aux Etats de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il était alors accessible aux autorités compétentes et aux cellules de renseignement financier, aux entités assujetties dans le cadre de la vigilance à l’égard de la clientèle et à toute personne ou organisation justifiant d’un intérêt légitime.

Des restrictions à la communication des informations figurant au RBE étaient possibles, au cas par cas, et dans des circonstances exceptionnelles, si l’accès aux données pouvait exposer le bénéficiaire effectif au risque de fraude, d’enlèvement, de chantage, de violence ou d’intimidation.  

Ces données étaient également soumises au traitement des données à caractère personnel prévu par la Directive 95/46, telle que transposée en droit national, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données (RGPD). 

La directive 2018/843 a modifié la Directive 2015/849 en rendant le RBE accessible aux autorités compétentes et aux cellules de renseignement financier, aux entités assujetties dans le cadre de la vigilance à l’égard de la clientèle ainsi qu’à tout membre du grand public

Faisant état de circonstances exceptionnelles telles que prévues par les textes, deux sociétés ont demandé au Luxembourg Business Register (LBR) d’empêcher l’accès du grand public aux informations concernant leurs Bénéficiaires effectifs. 

Elles invoquaient : 
  • Pour l’une, que les informations figurant au RBE Luxembourgeois exposait son bénéficiaire effectif (ainsi que sa famille), appelé à se déplacer souvent dans des pays aux régimes politiques instables et à forte criminalité, à un risque disproportionné d’enlèvement, de séquestration, de violences et même de mort ; 
  • Pour l’autre, que le fait de donner un accès public à l’identité et aux données personnelles de son bénéficiaire effectif, violait le droit à la protection de la vie privée et familiale ainsi que le droit à la protection des données à caractère personnel consacré dans la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne (la Charte). 
Devant le refus du LBR de restreindre l’accès à ces données, elles ont saisi le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg. 

Ce dernier, reliant les deux affaires, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Justice de l’Union Européenne, les questions préjudicielles suivantes : 
  • Le fait de pouvoir limiter l’accès aux informations lors de circonstances exceptionnelles à définir en droit national autorise-t-il ledit droit national à définir la notion de circonstances exceptionnelles uniquement comme étant équivalent « à un risque disproportionné, à un risque de fraude, d’enlèvement, de chantage, d’extorsion, de harcèlement, de violence ou d’intimidation » ? ;
  • Cette définition de circonstances exceptionnelles doit elle interprétée comme renvoyant à ces 8 cas de figure, dont le premier est un risque général soumis à la condition de disproportion et les 7 autres comme des risques spécifiques soustraits à la condition de disproportion ? 
  • Lorsqu’un risque est révélé doit-il s’apprécier uniquement à l’égard de l’entité concernée ou doit-il prendre en compte les liens entretenus avec d’autres personnes morales ? 
  • Le fait de rendre accessible au grand public est-il valide à la lumière du droit du respect de la vie privée et familiale, et du droit à la protection des données à caractère personnel ?
  • Le fait de donner accès à toute personne est-il compatible avec le RGPD imposant :
    • la garantie de l’intégrité et de la confidentialité des données ? 
    • que le traitement des données soit licite, loyal et transparent et que le responsable de traitement donne accès aux données à caractère personnel à un nombre limité et déterminable de personnes ? 
    • que les données soient utilisées exclusivement pour la finalité pour laquelle elles ont été collectées, à savoir la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ?
    • que le bénéficiaire effectif ait connaissance de la personne destinataire de ses données ? 
La Cour a rendu son arrêt le 22 novembre 2022.

Elle constate que l’article 7 de la Charte garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile… ; son article 8 conférant, à toute personne, le droit à la protection des données à caractère personnel la concernant. 

La Directive instaurant le RBE impose aux Etats :
  • de conserver dans un registre central les informations adéquates, exactes et actuelles des bénéficiaires effectifs des sociétés et autre entités juridiques constituées sur leur territoire, 
  • de rendre accessible au grand public ces informations comprenant a minima le nom, les mois et année de naissance, pays de résidence et nationalité du bénéficiaire effectif, nature et intérêts effectifs retenus, 
  • chaque Etat pouvant, dans des conditions à déterminer par son droit national, donner accès à des informations supplémentaires permettant l’identification du bénéficiaire effectif. 
La Cour estime que, dès lors que les données comportent des informations sur des personnes physiques identifiées, l’accès à ces données à tout membre du grand public affecte le droit fondamental au respect de la vie privée. Par ailleurs, cette mise à disposition est un traitement de données à caractère personnel relevant de l’article 8 de la Charte. 

Ces informations sont susceptibles de permettre à toute personne de dresser un profil du bénéficiaire effectif, son état de fortune, les secteurs économiques, pays et entreprises spécifiques dans lesquels il a investi. A cela s’ajoute le fait que ces informations accessibles à un nombre illimité de personnes, vont permettre à certaines de s’informer sur la situation matérielle et financière du bénéficiaire effectif, et ce pour des raisons étrangères à l’objectif poursuivi. Cela est d’ailleurs d’autant plus aisé lorsque les informations sont disponibles sur internet. Enfin, une fois mises à disposition du grand public, ces informations peuvent facilement être conservées et diffusées. 

En conséquence, l’accès de ces informations au grand public constitue une ingérence dans les droits garantis par la Charte et qui plus est, une ingérence grave

Une telle ingérence est toutefois envisageable si elle (i) a pour but de défendre un objectif d’intérêt général, et (ii) est apte, nécessaire et proportionnée.
    
  • (i) En l’espèce, l’objectif recherché par la Directive est de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Or pour être efficace, cette mesure doit nécessairement être accompagnée d’un environnement hostile aux criminels et d’une amélioration de la transparence globale de l’environnement économique et financier de l’Union. Pour autant, la notion de transparence utilisée par le Conseil de l’Union Européenne vise les activités de nature publique et les liens entre citoyens et administration. Ce lien avec des institutions publiques fait défaut dans l’utilisation des données du RBE par le grand public. En conséquence, le principe de transparence ne saurait être considéré comme un objectif d’intérêt général justifiant l’ingérence dans les droits fondamentaux de la Charte
  • (ii) Sur le caractère apte, la Cour relève que l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs est apte à contribuer à la réalisation de l’objectif d’intérêt général visant à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en améliorant la transparence

    Sur le caractère nécessaire, la Cour relève que les difficultés antérieures pour définir et appliquer l’intérêt légitime tel qu’il était initialement prévu, ne justifient pas que les données relatives aux bénéficiaires effectifs soient de ce fait, rendues accessibles au grand public. 

    Sur le caractère proportionné, le fait qu’il soit indiqué que le grand public ait au moins accès aux données visés par l’article 30 de la Directive permet un accès à des données insuffisamment définies et identifiables. Par ailleurs, l’objectif d’intérêt général pouvant justifier des ingérences est suffisamment rempli en donnant un droit d’accès illimité à ces données aux autorités publiques et établissements financiers qui, en raison de leurs activités, se voient imposer des obligations spécifiques en la matière. Enfin, le fait de donner accès au grand public, par rapport à des personnes ayant un intérêt légitime, représente une atteinte considérablement plus grave aux droits fondamentaux protégés par la Charte, sans que cette aggravation ne soit compensée par des bénéfices éventuels en ce qui concerne l’objectif poursuivi de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. 
En conséquence de ce qui précède, la Cour, sans se prononcer sur les autres points, invalide la modification apportée par la Directive 2018/843, supprimant la notion d’intérêt légitime et prévoyant que les Etats membres doivent veiller à ce que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire soient accessibles dans tous les cas à tout membre du grand public.  


Nul doute que cette décision aura un impact sur les législations nationales, certains Etats membres ayant d’ores et déjà pris des dispositions afin que ces informations ne soient plus accessibles au grand public. 

Fort de son expertise, le Cabinet PIVOINE AVOCATS vous conseille et vous accompagne. Pour plus d’information ou afin de prendre rendez-vous, contactez-nous ! 
 

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