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Clause de réserve de propriété : quelle portée en cas de conflit entre Conditions Générales d’Achat et les Conditions Générales de Vente

Clause de réserve de propriété : quelle portée en cas de conflit entre Conditions Générales d’Achat et les Conditions Générales de Vente

Publié le : 03/07/2025 03 juillet juil. 07 2025




La question de l’application des Conditions Générales, de Vente ou d’achat, dans les relations contractuelles commerciales est souvent, en pratique, source de conflit.

Parmi les clauses fondamentales des Conditions Générales de Vente figure la clause de réserve de propriété, par laquelle le vendeur se réserve la propriété des marchandises jusqu’au paiement intégral.
Si la clause est écartée faute d’acceptation par l’acheteur, le vendeur perd une sûreté essentielle.
Les enjeux peuvent donc être cruciaux.

Le droit commun des contrats encadre les conditions d’opposabilité et d’application de ces Conditions Générales.

L’article 1119 du Code civil, notamment, précise que les conditions générales ne lient l’autre partie que si elle en a eu connaissance et les a acceptées. La forme de cette acceptation importe peu, mais sa preuve doit être sérieuse et non équivoque.

Il s’agit de la situation simple ou seules les Conditions Générales du Vendeur existent dans la relation contractuelle.

Les juridictions ont développé une jurisprudence nourrie et bien établie.

Dans ce cas de figure, où seules des CGV sont présentes, la Cour de cassation accepte que l’acceptation des clauses de ce contrat, y compris la Clause de Réserve de Propriété, soit valide en présence d’un simple consentement tacite. C’est dans son arrêt du 13 juin 1989 (n° 88-11.951) qu’elle a confirmé que lorsque l’acheteur, en connaissance de cause, exécute le contrat sans protester, son comportement vaut acceptation tacite des conditions générales, y compris des clauses spécifiques telles que la clause de réserve de propriété, qui peut alors pleinement produire ses effets.

Il est communément admis que les CGV sont applicables dès lors que le contrat a été exécuté et que celles-ci figuraient sur les documents contractuels (devis, bon de commande, facture…).

Dans ce cas, les Conditions Générales de Vente seront opposables et, avec elles, la Clause de réserve de Propriété.

Toutefois, il existe une situation qui peut venir encore compliquer l’appréciation de la solution à retenir, c’est le cas où les deux parties co-contractantes disposent, respectivement, de Conditions Générales d’Achat (CGA) pour l’acheteur et de Conditions Générales de Vente (CGV), pour le vendeur.
Les parties se trouvent alors au cœur d’un « conflit de formulaires » où chacune cherche à imposer ses propres conditions.
 
  1. Effets de la clause de réserve de propriété en l’absence d’acceptation expresse des CGV et en cas de conflit avec les CGA :


Dans une telle hypothèse, l’acceptation expresse et non équivoque des CGV est primordiale pour que la Clause de Réserve de Propriété puisse être opposable à l’acheteur.

Le principe est prévu par l’alinéa 2 de l’article 1119 du code civil : en cas de contradiction entre les différentes conditions générales, les clauses incompatibles sont neutralisées. Le contrat subsiste, mais il s’exécutera sans les stipulations conflictuelles, selon le droit supplétif.

Ainsi, en l’absence d’acceptation expresse des CGV du vendeur comportant une clause de réserve de propriété, et si l’acheteur dispose de CGA aussi non expressément acceptées, refusant cette clause, et qu’aucun élément ne permet d’établir un accord clair, la clause est réputée non écrite.

Elle ne produit donc aucun effet.

Autrement dit, en l’absence l’acceptation expresse de l’une ou l’autre, si chaque partie invoque ses propres conditions générales et que certaines des clauses se contredisent, alors les clauses incompatibles sont sans effet.

Aucune ne prévaut et le contrat est formé sur le reste des stipulations non conflictuelles.

La jurisprudence en fait une application nette dans un arrêt de 2021 (Cour d’appel de Paris, 17 juin 2021, n°17/05445) qui précise qu’« en présence de conditions générales dont des stipulations essentielles ne sont pas compatibles, elles s’annihilent mutuellement et aucune condition générale n’est applicable, ce qui conduit à examiner le litige uniquement en fonction des règles de droit commun ».

Il apparaît donc clairement que l’anéantissement des clauses respectives du vendeur et de l’acheteur, en raison d’un désaccord non résolu, prive d’effet la clause de réserve de propriété, empêchant ainsi le vendeur de s’en prévaloir pour revendiquer ses biens.

A la différence de cas où seules des CGV existent, le silence ou l’inaction de l’acheteur ne saurait valoir acceptation implicite. La seule présence de la clause dans des documents contractuels ne suffit pas : la preuve d’un consentement réel et non ambigu est exigée.

L’appréciation de l’acceptation, en cas de divergence entre les CGA et les CGV, revêt donc une importance primordiale et se révèle, par conséquent, plus difficile à établir.

Les textes spécifiques qui encadrent les relations commerciales ne viennent pas remettre en cause cette appréciation. Les tribunaux précisent que, si les CGV sont qualifiées de « socle unique de la négociation commerciale », cela ne signifie pas pour autant qu’elles prévalent automatiquement sur les CGA. En ce sens, il ne faut pas se méprendre sur la portée de l’article L441-1 du Code de commerce.

Cette formule consacre simplement une primauté en matière de négociation, sans leur conférer une force contractuelle supérieure en l’absence d’accord (Cour d’appel de Paris, 6 mai 2015, n°13/04879).

Qu’en est-il en procédure collective ?

De la même manière, et en dépit du régime spécifique applicable aux procédures collectives, le droit commun continue de s’appliquer. Dans cette logique, la clause de réserve de propriété ne pourra donc être opposée au mandataire judiciaire que si elle a été valablement convenue et ce de manière non équivoque, avant l’ouverture de la procédure. À défaut d’acceptation expressément formalisée, le vendeur ne pourra pas revendiquer les biens impayés, même si ceux-ci sont encore présents chez le débiteur (articles L624-16 et suivants du Code de commerce).
 
  1. Preuve d’acceptation des CGV : la clause de réserve de propriété pleinement opposable :


À l’inverse, si le vendeur démontre que l’acheteur a clairement accepté les CGV, en les signant, ou via une clause d’acceptation expresse dans un contrat-cadre ou une commande, alors la clause de réserve de propriété devient pleinement opposable, même en cas de CGA prévoyant l’inverse.

La Cour de cassation dans un arrêt récent du 6 mars 2024 (n°22-22.651) valide la clause de réserve de propriété figurant dans les CGV, dès lors que l’acheteur professionnel l’a acceptée par écrit avant la livraison.

Cette décision confirme que les juridictions exigent une preuve de l’accord du contractant plus forte, en présence de CGA contraires, sans quoi la clause reste inopposable,

Qu’en est-il en procédure collective ?
Une fois de plus, les dispositions spécifiques de la procédure collective ne remettent pas en cause cette appréciation. Ainsi, lorsque la clause de réserve de propriété est valable, c’est-à-dire expressément acceptée et signées par l’acheteur, même en présence de CGA contraires, le vendeur est en droit de revendiquer la propriété des biens livrés avant l’ouverture de la procédure collective, restés impayés et encore présents entre les mains du débiteur (article L 624‑16 du Code de commerce).
Le droit à revendication est dès lors, ouvert, mais encadré par des formalités strictes, imposant une vigilance particulière, en cas de procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.

En conclusion, que ce soit en droit commun ou en procédure collective, l’issue du conflit entre CGA et CGV dépend toujours de la preuve d’un véritable accord. La clause de réserve de propriété, aussi précieuse soit-elle, n’échappe pas à cette exigence : sans acceptation claire, elle reste lettre morte.
En l’absence de conditions générales d’achat, la situation se simplifie, les juridictions françaises admettant une acceptation tacite des conditions générales de vente par l’acheteur, par la seule présence des CGV dans les documents contractuels.
 

En résumé :

Situation

Clause de réserve de propriété opposable ou non ?

CGA et CGV contradictoires et aucune preuve d’acceptation de l’une ou l’autre

Application de l’article 1119 du Code civil : clauses contradictoires neutralisées

CGA et CGV contradictoires et acceptation expresse des CGV

Opposable, le vendeur conserve la propriété jusqu’au paiement complet

CGV, sans existence de CGA de l’acheteur

Opposable, sous réserve d’un consentement tacite déduit de leur mention dans des documents contractuels tels que des factures ou bons de commande.


L’équipe du cabinet Pivoine Avocats, spécialisée en droit des sociétés, suit de près l’évolution de la législation et de la jurisprudence, et se tient à vos côtés pour vous accompagner et vous conseiller.

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