
Conséquences de l’admission de la créance du débiteur principal au passif de la procédure collective dans les rapports caution/créancier
Publié le :
12/03/2024
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Par un arrêt du 24 janvier 2024, la Chambre commerciale de la Cour de cassation réaffirme le principe selon lequel « la décision irrévocable d’admission d’une créance au passif du débiteur principal interdit à la caution d’invoquer les exceptions inhérentes à la dette. »
Le cautionnement est une sureté personnelle définie par l’article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ».
Cette décision vient s’inscrire dans une constance jurisprudentielle qui veut que l’admission de la créance principale au passif de la procédure collective soit opposable à la caution en ce qui concerne l’existence et le montant de la créance (Cass. Com. 25 février 2004, n°01-13.588).
Pour saisir la portée de ce principe il faut expliquer la nature du cautionnement (1°) puisque celui-ci déroge à son régime d’opposabilité des exceptions (2°). La caution en pâtit nécessairement, mais si elle se montre assez diligente il lui restera des cartes à jouer (3°).
1°/ Focus sur le cautionnement et les exceptions opposables par la caution
L’obligation de la caution est étroitement liée à celle du débiteur principal. L’existence et la validité du cautionnement dépendent de l’obligation principale. C’est pourquoi la caution peut opposer au créancier certaines exceptions (moyens de défense) appartenant au débiteur.
En synthèse, il existe trois types d’exceptions que la caution pourrait invoquer dans ses rapports avec le créancier :
- les exceptions qui lui sont propres ( par exemple disproportion du montant de la caution par rapport à ses revenus et son patrimoine) ;
- les exceptions inhérentes à la dette du débiteur (exemple : si le créancier n’a pas exécuté sa propre obligation (exception d’inexécution) ;
- les exceptions personnelles au débiteur (exemple : si le créancier a usé de manœuvres ou de mensonges pour obtenir le consentement du débiteur.
Avant la réforme du 15 septembre 2021, la Cour de cassation considérait que la caution ne pouvait opposer que les exceptions inhérentes à la dette et non les exceptions personnelles au débiteur.
Aujourd’hui, l’article 2298 du code civil met fin à la distinction puisqu’il dispose : « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur ».
2°/ La dérogation du droit des procédures collectives au régime d’opposabilité des exceptions
En l’espèce, une banque a consenti au débiteur une autorisation de découvert et un prêt garanti par une caution personne physique. Le débiteur est placé en liquidation judiciaire et les créances de la banque sont admises au passif. La caution est appelée en paiement par le créancier, sauf que celle-ci lui oppose des manquements dans l’exécution de la convention de compte courant.
La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond qui rejettent les arguments de la caution et repose le principe selon lequel l’admission définitive d’une créance au passif du débiteur principal interdit à la caution d’invoquer les exceptions inhérentes à la dette.
La décision s’explique tout à fait puisque lors de la vérification de la créance, le débiteur doit faire valoir l’intégralité de ses arguments tendant à son rejet. Dès lors que l’ordonnance portant admission de la créance devient insusceptible de recours, elle obtient l’autorité de la chose jugée.
En conséquence, la créance se retrouve purgée des exceptions qui lui sont afférentes, la caution ne saurait donc les invoquer. Amputée de l’opposabilité des exceptions inhérentes à la dette, les moyens de défense de la caution se retrouvent grandement affaiblis.
Il faut mentionner que la dérogation sera principalement contraignante en matière de liquidation judiciaire. En effet, en sauvegarde et en redressement judiciaire la caution personne physique n’aura à opposer aucune exception puisqu’elle bénéficie de l’arrêt des poursuites (articles L. 622-28 a2 et L. 631-14 du comme de commerce).
3°/ Que reste-t-il à la caution face au droit des procédures collectives ?
Dans un premier temps, la caution diligente peut contester la décision d’admission de la créance au passif de la procédure dans un délai d’un mois à compter de sa publication pour les cautions personnes morales ou à compter de sa signification pour les cautions personnes physiques (article R. 624-8 du code de commerce).
C’est à cette occasion seulement que la caution pourra faire valoir ses arguments s’ils ont trait à une exception inhérente à la dette du débiteur.
En l’espèce, c’est dans le cadre de la réclamation devant le juge-commissaire que la caution aurait pu faire valoir les manquements de la banque dans l’exécution de la convention de compte courant.
Enfin, après avoir payé le créancier, la caution pourrait agir en responsabilité civile contre le débiteur principal qui n’aurait pas fait valoir un moyen de défense pertinent, ce qui contreviendrait à son devoir de se défendre utilement.
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