
Le risque pénal
Auteur : Par Claire Garcia et Ghislaine Betton
Publié le :
22/12/2020
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2020
POUR L’ANCIEN DIRIGEANT POUR DES FAITS POSTERIEURS A SON MANDAT
La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation valide, pour la première fois, la possibilité pour un ancien dirigeant d’être condamné pour des faits postérieurs à la cessation de ses fonctions.Cass. crim. 9-9-2020 n° 19-81.118 F-D
En principe, dans le cadre de l'activité de l'entreprise et dans l’exercice de leur mandat, les dirigeants sociaux peuvent engager leur responsabilité pénale :
- Lorsqu’ils commettent personnellement les infractions dans l'exercice de leurs fonctions ;
- Lorsqu’ils sont déclarés responsables d'infractions commises par leurs préposés et qui se rattachent à l’activité de l'entreprise. Elle peut être recherchée en cas de violation de réglementations applicables, ou relever du délit d'imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la vie d'autrui (C. pén., art. 121-3) ;
En théorie donc, ces infractions ne peuvent être caractérisées qu’à l’occasion de l’exercice de leur fonction et nécessitent donc que soit rapportée la preuve de l’existence d’un mandat social.
Les dispositions législatives précisent, toutefois, que les textes relatifs aux infractions sont également applicables aux dirigeants « de fait ».
Cela suppose cependant que les juridictions répressives caractérisent l’existence d’une « gestion de fait », en recherchant l’exercice « en toute indépendance » et liberté, d’une activité positive de gestion et de direction (Cass.Com. 10 octobre 1995 / n° 93-15.553)
Dès lors, le dirigeant de droit, ayant été déchargé de ses fonctions en suite de l’assemblée générale ayant délibéré à cet effet ne peut, en principe, et sauf poursuite d’une gestion de fait caractérisée, pas voir sa responsabilité pénale engagée pour des faits commis postérieurs à ce dessaisissement.
C’est justement de ce fondement que se prévalaient en l’espèce les avocats d’une ex-gérante de SARL pour contester la condamnation de celle-ci, en qualité de « gérante de droit » pour des faits portant sur le fonctionnement de la société (notamment travail dissimulé, abus de biens sociaux et banqueroute) commis postérieurement à la cessation de ses fonctions.
La Cour de Cassation, aux fins de valider la décision des juges d’appel, retient que les formalités d’enregistrement de la cessation des fonctions de la prévenue n’ayant été publiées au greffe qu’un an après l’assemblée générale actant de la fin de son mandat social, l’ancienne gérante pouvait valablement être qualifiée de « gérante de droit » tant que les formalités n’avaient pas été effectuées.
Cela revient-il à dire que le dirigeant ne serait déchargé du risque de voir sa responsabilité pénale engagée qu’au moment de la publication au greffe de la modification de mandataire social ?
Une telle solution serait surprenante en droit, tant elle serait contraire au principe de personnalité des délits et des peines. Elle serait également susceptible d’aboutir, en pratique, à des condamnations parfaitement inéquitables dans les cas où la publication du changement de mandataire social interviendrait tardivement (à dessein ou par négligence), indépendamment de la volonté de l’ancien dirigeant.
La solution retenue par la Chambre criminelle est en réalité plus mesurée, et n’a, en l’état pas vocation à créer un principe absolu de responsabilité pénale de l’ancien dirigeant pour la période comprise entre son dessaisissement et la publication de celui-ci, pour des faits délictueux portant sur le fonctionnement de la société.
La Cour de cassation retient en réalité deux critères pour statuer :
- En premier lieu, le changement du gérant de droit d'une SARL ne produisant effet à l'égard des tiers que lorsque les formalités légales de publicité relatives à ce changement ont été accomplies, la qualification de « gérant de droit » pouvait être retenue ;
- En second lieu, la gérante avait, de concert avec son coassocié, elle-même retardé la publication du changement de dirigeant, avait ainsi conservé en fait et en droit ses prérogatives de gérant,
Ce faisant, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation rejoint la position déjà émise par la Chambre Commerciale, qui avait pu considérer que le défaut de publication du changement de mandataire social ne permet certes pas à elle seule de le poursuivre en responsabilité pour insuffisance d'actif, mais c’est à la condition qu'il ait effectivement cessé d'exercer ses fonctions avant l'apparition de la situation ayant abouti à l'insuffisance d'actif .Tel n’était pas le cas en l’espèce, la démission invoquée par le dirigeant poursuivi apparaissant, là aussi, fictive. (Cass. com. 14-10-1997 n° 95-15.384 : RJDA 1/98 n° 86)
Toutefois, par cette décision, la Chambre Criminelle, en qualifiant de « gérant de droit » un ancien dirigeant pour une période postérieure à la cessation de ses fonctions et malgré l’existence d’une assemblée générale ayant prononcé son dessaisissement, accroit ainsi le risque pénal pesant sur l’ancien dirigeant, puisque celui-ci peut voir sa responsabilité pénale engagée, hors l’existence de tout mandat social, et ce, sans que les juridictions n’aient à vérifier l’existence, dans les faits, de l’exercice d’une activité positive de gestion et de direction.
Il conviendra dès lors, dans le cadre d’une modification de dirigeant, d’être particulièrement vigilant :
- Pour s’assurer de la promptitude de l’accomplissement des formalités visant à la publication de cette modification ;
- A la réalisation, durant cette période d’acte positifs de gestion par l’ancien dirigeant, pouvant mener à remettre en cause l’effectivité de son dessaisissement.
Historique
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