
LE SORT DE LA CAUTION, EN CAS DE CESSION D’UNE ENTREPRISE, A LA BARRE DU TRIBUNAL
Auteurs : Nicolas Rosain,Cynthia Chaumas-Pellet,Ghislaine Betton
Publié le :
06/11/2020
06
novembre
nov.
11
2020
Prudence, prudence...
La crise économique liée à l’épidémie de Covid-19 est inédite et pourrait avoir des conséquences sur la santé financière de nombreuses entreprises, au titre desquelles figurent, notamment, les restaurants et débits de boissons.
En dépit des mesures d’aide mises en place par le Gouvernement visant à préserver la trésorerie de ces entreprises, une vague de défaillances est probable, au cours des prochains mois.
Il peut s’agir de procédures de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, selon la gravité des difficultés rencontrées par l’entreprise.
Lorsque le dirigeant ne parvient pas à restructurer son entreprise, ensuite de l’ouverture d’une procédure collective, il est possible d’envisager une « reprise » de ladite entreprise à l’occasion d’un plan de cession.
Cette cession à la barre du Tribunal est une notion relativement floue, encadrée par les articles L642-1 et suivants du Code de commerce.
Il s’agit, en termes simples, d’une poursuite d’activité entre les mains d’un repreneur.
Lorsqu’un fonds de commerce est cédé dans le cadre d’une procédure collective, le repreneur peut se trouver en présence de biens mobiliers ou immobiliers, pour l’acquisition desquels des prêts ont été consentis.
Si ces biens sont intégrés dans l’actif repris, le repreneur devra régler les échéances postérieures, s’il veut les conserver.
Par ailleurs, il est d’usage qu’un prêt soit assorti d’une sûreté (caution, hypothèque, gage, privilège de prêteur de deniers, nantissement, etc).
Or, que deviennent les sûretés initialement consenties, notamment la caution, en cas de plan de cession et plus particulièrement, dans l’hypothèse d’une défaillance du cessionnaire ?
En pratique, la question du sort de ces sûretés et notamment de la caution n’a pas toujours été évidente, en dépit des précisions apportées par l’article L642-12 al. 4 du Code de commerce, lequel prévoit que :« la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour lui permettre le financement d’un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire. Celui-ci est alors tenu d’acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété ou, en cas de location-gérance, de la jouissance du bien sur lequel porte la garantie […]».
Il ressort de cet article que le cessionnaire n’est effectivement tenu d’acquitter que les échéances postérieures, dues à compter du transfert de propriété.
Les échéances antérieures impayées doivent, quant à elles, avoir fait l’objet d’une déclaration au passif du cédant.
Il n’appartient donc pas au cessionnaire de régler les dettes antérieures à la cession.
S’agissant des sûretés garantissant le remboursement du financement, cet article prévoit leur transfert au cessionnaire.
Or, la caution s’est engagée, à l’origine, pour le débiteur et non pour le repreneur.
Il semble donc inenvisageable que la caution du débiteur principal soit tenue pour les engagements du cessionnaire.
Ce n’est pourtant pas ce qu’a retenu la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 8 janvier 2020 (n°18-21.925).
Aux termes d’un arrêt inédit, elle a jugé que :
« Si le cessionnaire de l’entreprise est tenu, en application de l’article L642-12 alinéa 4 du Code de commerce, de payer les échéances de remboursement du prêt qui sont postérieures à la cession du bien financé, la caution de l’emprunteur demeure tenue, dans les mêmes conditions que celui-ci, de rembourser, sous déduction des sommes versées par le cessionnaire, l’intégralité de l’emprunt, y compris les échéances exigibles après l’ouverture de la procédure collective ».
Ainsi, il résulte de cette décision que la caution solidaire des engagements de l’emprunteur demeure tenue de garantir l’exécution du prêt, en dépit de l’engagement du cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession, les mensualités à échoir.
Cette décision, sévère pour la caution, avait déjà été suggérée en 2016, puisque la Cour de cassation avait jugé que l’obligation de paiement de la caution ne pouvait être limitée aux échéances échues antérieurement au plan de cession, que s’il avait été expressément convenu avec le prêteur que celui-ci avait entendu libérer la caution de ses engagements, pour les échéances postérieures à la cession.
Cass, Com, 9 février 2016, n°14-23.219
Elle vient également confirmer un arrêt du 20 mars 2019 (n°17-29.009), aux termes duquel il avait été jugé que le jugement arrêtant le plan de cession n’entraînait pas une novation de droit par changement de débiteur, qui aurait pour conséquence de libérer la caution solidaire de son engagement.
En pratique, les établissements bancaires seront frileux à l’idée de décharger les cautions de leurs engagements.
Il convient donc d’être prudent lorsque vous êtes caution des prêts d’une entreprise cédée à la barre du Tribunal et de tenter, dans la mesure du possible, d’obtenir un tel accord des banques.
A défaut, le risque d’être poursuivi, en cas de défaillance du repreneur, ne pourra être exclu.
PIVOINE AVOCATS reste présent à vos côtés, pour examiner votre situation et vous accompagner, que vous soyez caution d’engagement d’une entreprise en difficulté ou que vous ayez un projet de reprise dans le cadre d’un plan de cession.
N’hésitez pas à nous contacter !
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