
Cessionnaire de parts sociales dans une SARL
Auteurs : Elisa Teyssier, Sandra Laugier et Ghislaine Betton
Publié le :
31/05/2021
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2021
L’obligation de libérer le capital social ne lui est pas transmise
CA Paris, pôle 5, chambre 8, 16 février 2021, n°19/20152.
Si pour les sociétés par actions, l’article L.228-28 du Code de commerce prévoit que l’actionnaire défaillant, les cessionnaires successifs, ainsi que les souscripteurs, sont tenus solidairement du montant non libéré de l’action, cette disposition n’est pas applicable aux SARL.
C’est ce qu’a réaffirmé la Cour d’appel de Paris dans l’arrêt reporté, avant d’en tirer les conséquences quant aux obligations transmises à l’associé cessionnaire.
En l’espèce, deux associés constituent une SARL, en ne libérant que partiellement les apports en numéraire définis dans les statuts.
Cette société fait par la suite l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, postérieurement convertie en liquidation judiciaire. C’est dans ce cadre, et après avoir mis en demeure les associés actuels de payer une somme correspondant au capital non libéré, que le liquidateur judiciaire désigné les assigne en paiement devant le tribunal de commerce.
Par jugement assorti de l’exécution provisoire, le Tribunal de commerce condamne les associés à verser au liquidateur le solde du capital social non libéré.
Ces derniers font appel de ce jugement, soutenant notamment que l’un des deux associés fondateurs avait cédé l’intégralité de ses parts avant la liquidation, de sorte que l’associé cessionnaire, actuellement en place, n’était pas tenu de la libération du capital, puisqu’il qu’il n’était pas associé lors de la constitution de la société.
En effet les appelants soutiennent que la société en cause n’étant pas une société par actions, les cessionnaires de parts sociales ne sont pas tenus du montant non libéré du capital.
Le liquidateur conteste cette argumentation et soutient que l’associé cessionnaire est, en vertu de cette qualité, débiteur du capital non libéré, peu important qu’il ne soit pas associé fondateur de la société, dès lors que le contrat de vente transfère du vendeur à l’acquéreur les droits et obligations attachés aux parts cédées.
Après avoir rappelé qu’en vertu de l’article L624-40 du Code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire par renvoi de l’article L.631-18 du même code, le jugement d’ouverture rend immédiatement exigible le montant du capital non libéré du capital social, la Cour d’appel de Paris rejette la demande du liquidateur et fait droit à celle des associés.
Pour motiver sa décision, la Cour rappelle, dans un premier temps, que l’article 1843-3 du Code civil prévoit que chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu’il a promis de lui apporter en nature, en numéraire ou en industrie, de sorte que le capital social non libéré constitue une créance de la société contre son associé.
Pour autant, après avoir rappelé les obligations de libération du capital social propres aux SARL (art. L223-7 Ccom.), les juges d’appel retiennent que la société en cause étant une SARL, les dispositions de l’article L.228-28 du Code de commerce, prévoyant la transmission de la charge du montant non libéré du capital aux cessionnaires d’actions dans les SA, ne lui sont pas applicables.
Ainsi et faute de stipulations contractuelles contraires, la Cour retient que l’obligation de libération du capital social ne pèse pas sur le cessionnaire de parts d’une SARL mais bien sur le cédant, dès lors que cette obligation, inhérente à la souscription initiale des parts, constitue une dette envers la société indépendante de la cession.
Appliquant cette solution aux faits d’espèce, les juges constatent qu’il ressort des statuts constitutifs de la société que l’associé cessionnaire des parts sociales ne faisait pas partie des associés fondateurs et qu’il n’était pas établi qu’il s’était obligé, au moment de la cession des parts sociales des mains d’un associé fondateur, à libérer la totalité des parts sociales, de sorte qu’il n’est redevable à l’égard de la société d’aucune dette à ce titre.
Cette solution est loin d’être inédite, puisque la Cour d’appel de Lyon avait déjà pu juger, à propos d’une société civile, que la libération des apports est une dette personnelle, non attachée à la détention des parts, qui ne se transmet pas avec elles (CA Lyon, 09.06.2005, n° 04-2345).
Plus généralement, cette décision s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence constante, selon laquelle l’acheteur, en tant qu’ayant cause à titre particulier du vendeur, est un tiers à l’égard des obligations contractées par celui-ci à l’occasion de la chose cédée sauf si, par disposition expresse, il a déclaré faire son affaire des engagements du vendeur (Cass. Req., 03.09.1940, JCP 1940 II n°1557 note Becqué).
Bien qu’elle ne soit pas inédite, cette solution est à garder à l’esprit puisqu’elle n’est pas cantonnée aux SARL, mais à
vocation à s’appliquer à toute cession de parts sociales de façon générale !
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