
SOCIETES : Caractère fautif ou non d’un remboursement de compte-courant
Auteur : Barbara BRAU et Ghislaine BETTON
Publié le :
29/12/2021
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Dans quelles mesures un remboursement de compte-courant d’associé quelques temps avant la cessation de paiements et la mise en liquidation judiciaire de la société peut être qualifié de fautif.
Par principe, tout associé est, en l’absence de dispositions contraires, en droit d’exiger, à tout moment, le remboursement de son compte courant, à moins que n’ait été signée une convention de blocage. Par ailleurs, en cas d’ouverture d’une procédure collective, l’associé ne pourra effectivement être remboursé qu’après les créanciers privilégiés, si les finances de la société le permettent et s’il a déclaré sa créance comme tout autre créancier.
La Cour de cassation a déjà eu l’occasion (i) d’annuler le remboursement d’un compte courant effectué par le dirigeant quelque temps avant la déclaration de cessation des paiements, dès lors que la société était déjà en état de cessation des paiements au moment du remboursement, ce que le dirigeant ne pouvait ignorer (Cass. com. 29 mai 2001, n° 98-16142) et (ii) de valider la condamnation pécuniaire d’un dirigeant pour faute de gestion, dès lors que le remboursement du compte courant d’associé avait été réalisé au détriment des autres créanciers et en parfaite connaissance des difficultés financières de la société (Cass. com. 24 mai 2018, n° 17-10119).
Deux arrêts rendus le 20 octobre 2021 par la Cour de Cassation permettent d’évaluer le risque d’un remboursement de compte-courant d’associé quelques mois avant la cessation des paiements et la mise en liquidation judiciaire de la société et la possibilité, dans ces circonstances, de reconnaitre une faute de gestion ou une faillite personnelle du dirigeant.
1.Remboursement de compte-courant et faute de gestion (Cass. com. 20 octobre 2021, n° 20-11095),
Le liquidateur judiciaire reprochait au gérant d’avoir procédé au remboursement de son compte courant d’associé pour privilégier sa situation personnelle, alors qu’il connaissait les difficultés financières de la société et particulièrement sa situation de trésorerie. Selon lui, ce remboursement constituait une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société, et pouvant être sanctionnée par la condamnation du dirigeant à prendre en charge tout ou partie du passif de la société
La Cour d’Appel rejette la demande du liquidateur en soulignant le fait qu’après remboursement du compte-courant, les comptes bancaires de la société étaient encore créditeurs d’une somme supérieure au montant du remboursement.
La Cour de cassation censure cette décision puisque le fait que la société dispose de liquidités bancaires supérieures au montant du compte courant à rembourser est sans incidence sur l’éventuelle faute du gérant et renvoie l’affaire devant une nouvelle cour d’appel qui devra rechercher si le gérant a effectué le remboursement en parfaite connaissance des difficultés financières de la société, afin de privilégier sa situation personnelle.
2. Remboursement de compte-courant et faillite personnelle (Cass com. 20/10/2021, n° 20-15736)
Pour rappel, la faillite personnelle peut être prononcée si le dirigeant a (i) détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale, ou (ii) payé après la cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers.
En l’espèce, le parquet avait demandé que la faillite personnelle soit prononcée à l’encontre du gérant qui avait procédé au remboursement de son compte-courant trois mois avant la cessation des paiements et la mise en liquidation judiciaire de la société. Selon le procureur, le gérant n’avait pu ignorer que le remboursement de son compte courant entraînerait de manière inéluctable la cessation des paiements.
Le Tribunal de commerce, puis la Cour d’Appel, ont considéré que le remboursement du compte courant pouvait s’analyser en un paiement préférentiel réalisé au détriment des autres créanciers de la société et constituait un détournement d’actif.
Cette décision est censurée par la Cour de cassation qui estime que le remboursement du compte courant qui correspond au paiement d’une dette de la société ne peut pas être qualifié de détournement d’actif. En outre, il ne constitue pas non plus un paiement préférentiel au profit d’un créancier étant donné que ce remboursement a été effectué avant l’état de cessation des paiements de la société.
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