
Garantie d’éviction et rachat des titres
Auteurs : Sandra Laugier, Guillaume Sauray et Ghislaine Betton
Publié le :
17/01/2022
17
janvier
janv.
01
2022
La garantie d’éviction légale consiste à assurer à l’acquéreur la jouissance paisible de son bien postérieurement à la délivrance de celui-ci. Dans le cadre d’une cession de titres ou d’activité commerciale, la garantie d’éviction recèle une obligation de non-concurrence de la part du cédant.
Dans un arrêt du 10 novembre 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte un éclairage important quant à l’appréciation de la proportionnalité entre l’obligation de non-concurrence découlant de la garantie d’éviction du cédant, vis-à-vis des libertés d’entreprendre et du commerce du cessionnaire.
En l’espèce, deux personnes physiques ont créé en 1997 une société ayant pour objet social l’édition et l’intégration de solutions open source. En 2007, ceux-ci la cèdent à un concurrent exerçant dans le même secteur d’activité et deviennent, en outre, actionnaires et salariés de ce dernier. Trois ans plus tard, les cédants démissionnent et revendent leurs parts tout en constituant une société concurrente intervenant sur le même marché. Ils captent alors une partie des salariés et des clients de la société.
Le cessionnaire, s’estimant lésé, les assigne devant le Tribunal de commerce de Paris pour violation de la garantie d’éviction légale.
Par un jugement de première instance du 23 novembre 2018, le Tribunal de commerce de Paris a considéré que la violation de la garantie légale d’éviction due par les cédants au cessionnaire n’était en aucun cas démontrée.
Un appel a été interjeté par le demandeur.
La Cour d’appel de PARIS a, dans un arrêt du 1er décembre 2020, retenue une violation de la garantie d’éviction légale par les cédants. Pour qualifier une telle violation, la Cour d’appel estime que ces derniers ont effectivement détourné « la clientèle attachée au produits et services vendus par le cessionnaire, empêchant cette dernière de poursuivre pleinement son activité ».
Pour arriver à cette conclusion, les juges du fonds démontrent rigoureusement le détournement de clientèle et, de facto, la garantie d’éviction selon un faisceau d’indice factuel :
- Le rétablissement, par le biais d’une société, dans le même secteur d’activité que la société cédée en vue de proposer au marché un produit concurrent ;
- La réappropriation du code source d’un logiciel qu’ils avaient créé et cédé ;
- Le débauchage de salariés essentiels à l’activité de la société.
Il appartenait alors à la Cour de cassation de déterminer si la restriction de rétablissement des cédants était proportionnée à la garantie d’éviction légale des cessionnaires. Autrement dit, il lui appartenait de mettre en balance la garantie d’une jouissance paisible du bien cédé par le cessionnaire vis-à-vis de l’atteinte aux libertés d’entreprendre et du commerce du cédant.
Elle estime que les juges du fond n’ont pas « recherché concrètement si, au regard de l'activité de la société dont les parts avaient été cédées et du marché concerné, l'interdiction de se rétablir se justifiait encore au moment des faits reprochés. »
La Cour de cassation se rattache ici à deux éléments déterminants dans son analyse :
- L’activité de la société dont les parts avaient été cédées et le marché concerné ;
- Le moment de la réalisation des faits litigieux vis-à-vis de la cession.
La Cour de cassation considère que non, et conclut à une disproportion de la sanction prononcée par les juges du fond. A ce titre, la Haute Cour casse l’arrêt d’appel pour défaut de base légale.
En conclusion, bien que les faits avérés aient bel et bien pu amener à un détournement de clientèle par les cédants, il est nécessaire de vérifier si l’interdiction de se rétablir est toujours justifiée au moment de la réalisation des faits litigieux.
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