
Construction : L’action directe contre l’assureur du maître d’œuvre n’est pas conditionnée à la saisine préalable de l’Ordre des architectes.
Auteurs : Virginie Mauve, Bastien Girard Nkouikani
Publié le :
15/02/2023
15
février
févr.
02
2023
Cour d'appel de Rennes, 10 novembre 2022, RG n° 21/04155
Les contrats de maîtrise d’œuvre conclus avec un architecte prévoient habituellement une clause de conciliation préalable devant l’Ordre des architectes en cas de litige. Cette clause doit être maniée avec prudence : elle est souvent interprétée de manière à préserver les intérêts du maître d’ouvrage.
Ainsi, il y a peu, la Cour de cassation rappelait que les juges du fond devaient examiner d’office une telle clause car elle est présumée abusive dans une relation entre professionnels et consommateurs (Cass. 3e civ., 11 mai 2022, n° 21-15.420).
Les juges d’appel de Rennes ont procédé à ce contrôle en réaffirmant que le maître d’ouvrage pouvait exercer l'action directe contre l’assureur de l’architecte sans avoir à effectuer les formalités requises par la clause de conciliation préalable.
En l’espèce, un couple avait confié la maîtrise d’œuvre complète de la réalisation de leur maison à un architecte assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF) en 2001. Trois entreprises différentes sont intervenues pour réaliser les travaux. La réception des travaux tacite des travaux a été prononcée au 31 juillet 2004.
En 2014, du fait de l’apparition de désordres, les époux ont sollicité une expertise après avoir saisi les juges au fond pour se prononcer sur les responsabilités en cause. Après remise du rapport de l’expert judiciaire en 2018, les juges de première instance ont déclaré recevables les demandes du couple contre l’ensemble des intervenants à l’exception de l’architecte par un jugement de 2021.
En effet, en l’absence de la saisine préalable du Conseil régional de l’Ordre des architectes prévue par le contrat de maîtrise d’œuvre, l’action du maître d’ouvrage contre ce dernier n’est pas recevable.
La MAF a interjeté appel du jugement considérant que l’action du maître d’ouvrage contre elle n’était pas recevable en l’absence de mise en œuvre de la clause de conciliation préalable à l’égard de son assuré.
Les juges d’appel ont rejeté cette demande au motif qu’il est de jurisprudence constante que la saisine préalable de l’Ordre des architectes n’est pas une condition de recevabilité de l’action directe contre l’assureur de l’architecte.
Pour rappel, l’article L. 124-3 du Code des assurances permet au tiers lésé d’exercer une action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Les juges rennais ont considéré que l’action du maître d’ouvrage contre l’assureur du maître d’œuvre avait été exercée sur ce fondement. Ainsi, l’action directe n’était pas soumise à la formalité préalable de conciliation.
Les juges d’appel ont fait application d’une jurisprudence constante selon laquelle « la saisine préalable, par les maîtres de l'ouvrage, du conseil de l'Ordre des architectes prévue dans un contrat les liant à l'architecte n'est pas une condition de recevabilité de l'action directe engagée par eux contre l'assureur de celui-ci » (Cass. 3e civ., 23 mai 2019, n°18-15.286).
Ainsi, en fonction du dossier et dans un souci de célérité, une tentative de conciliation avec le maître d’œuvre n’empêchera pas d’agir à l’encontre de son assureur et des entreprises intervenantes. A défaut de toute conciliation, il sera toujours possible d’attraire le maître d’œuvre à l’instance initiée.
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