
Assurances : une uniformisation de la définition de la faute dolosive, distincte de la faute intentionnelle
Auteurs : Cynthia Chaumas-Pellet, Clothilde Taulet et Ghislaine Betton
Publié le :
26/05/2023
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2023
La troisième chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 30 mars 2023 (n°21-21.084), se rallie à la deuxième chambre s’agissant de la définition de la faute dolosive commise par l’assuré dans le cadre d’un contrat d’assurance et clarifie également son sort eu égard à la garantie de l’assureur.
L’article L.113-1 alinéa 2 du code des assurances dispose que « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ».
Cet article ne donnait cependant pas de définition de ce qu’était une faute dolosive, de sorte que pendant très longtemps la Cour de cassation retenait une définition unique de la faute inassurable, n’opérant ainsi aucune distinction entre la faute intentionnelle et la faute dolosive.
La Cour de cassation, par un important arrêt rendu par la deuxième chambre le 20 janvier 2022 (n°20-13.245) avait jugé que la faute dolosive s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.
Reprenant mot pour mot cette définition, la troisième chambre précise que la faute dolosive n’implique pas la volonté de son auteur de créer le dommage.
En l’espèce, un contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle est souscrit par une société de design et d’architecture intérieure dans le but de couvrir tout sinistre pouvant survenir au cours de l’exercice de son activité. Ladite société se voit confier des travaux de décoration au sein d’établissements de restauration par un client. Elle utilise alors, dans le cadre de la mission pour laquelle elle est sollicitée, les œuvres d’un artiste. Une indemnisation lui est demandée par les ayants droit car l’utilisation des œuvres en question ne faisait pas l’objet d’une autorisation. L’assureur a refusé de garantir sa cliente considérant qu’une faute dolosive avait été commise. Par la suite, la société assurée a assigné son assureur.
Tant le Tribunal de grande instance de GRASSE que la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE ont débouté la société assurée de ses demandes.
La Cour d’appel a jugé que l’utilisation de reproductions d’œuvres sans autorisation dans des restaurants soumis à un large public constituait pour l’assuré un risque ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et faisait disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque. Il s’agissait donc bien de la faute dolosive prévue par l’article L113-1 alinéa 2 du Code des assurances.
La société assurée a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 20 mai 2021.
La demanderesse considérait que l’intention de l’architecte n’avait pas été caractérisée. Selon elle, seules la conscience et la volonté de provoquer le dommage étaient de nature à exclure la garantie de l’assureur.
Ne faisant pas droit à ce moyen, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel et rappelé que, à l’inverse de la faute intentionnelle, la faute dolosive n'implique pas la volonté de son auteur de créer le dommage.
Aussi, les 2ème et 3ème chambres civiles de la Cour de cassation rompent désormais avec la conception moniste classique de la faute inassurable, pour adopter une conception dualiste venant distinguer, sans ambiguïté, la faute intentionnelle de la faute dolosive.
Cette position est moins favorable aux assurés, lesquels ne pourront plus se cacher derrière l’absence d’intention et de conscience de provoquer le dommage tel qu’il s’est produit, pour solliciter la mobilisation des garanties.
La faute dolosive est donc inassurable, au même titre que la faute intentionnelle, bien qu’elle n’implique pas la volonté de causer le dommage tel qu’il est survenu, mais une véritable prise de risque rendant inévitable la réalisation du dommage.
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